Cette œuvre pour percussion solo est tout à fait « dans l'air » d'un temps où le post-sérialisme, héritier de la radicalité du mouvement sériel, engageait les compositeurs à explorer le domaine (encore neuf) de la percussion. Dans cette pièce, le percussionniste se trouve derrière un mur d'instruments rutilants et étranges, face à des claviers et des tambours, prêt à dispenser l'inouï.
Les préoccupations de Helmut Lachenmann semblent cependant, dès les premières mesures, prendre quelque distance avec les conventions post-sérielles. L'alternance du jeu avec différentes baguettes – en feutre, en bois, en corne ou en métal – mène l'écoute par la manière dont l'impact de celles-ci scinde les sonorités en couches distinctes. L'oreille suit la résonance des unes, l'évanouissement des autres. Pas de formule rythmique dominante dans cette œuvre marquée de gestes virtuoses, mais un tempo omniprésent, sous-tendu par la difficulté instrumentale. Le jeu sur les sonorités se poursuit jusqu'à une section centrale formée de frottements – comme si l'instrumentiste déniait aux baguettes leur rôle convenu – ce qui lui permet de les abandonner aussitôt après pour jouer à mains nues. Le retour au jeu avec baguettes reprend l'exploration de sonorités glissées, frottées, en trémolos et rebonds, pour conduire à une cadence virtuose à laquelle l'utilisation successive de baguettes dures puis douces confère l'allure d'un chant et de son écho ; la cadence, reprise et développée ensuite sur le marimba, s'achève martelée par les doigts. L'apaisement final est marqué par le retour à de calmes trémolos, puis à des sons glissés, sur le marimba, comme un dernier écho du geste virtuose.
François Bohy, programme du Festival d'automne à Paris, cycle Helmut Lachenmann.