informations générales

date de composition
1980-1983
durée
14 min
éditeur
Ars Viva
Cycle
Scardanelli-Zyklus
Dédicace
à Aurèle Nicolet

genre

Musique soliste (sauf voix) (Flûte)

effectif détaillé

flûte

informations sur la création

date
1 octobre 1983

France, Strasbourg, Festival Musica

interprètes

Aurèle Nicolet.

Note de programme

« L'homme peut-il vivre ailleurs que dans l'air ? [...] Aucun autre élément ne peut lui tenir lieu de lieu. Aucun autre élément ne porte avec lui, ou ne se laisse traverser par, lumière et ombre, voix ou silence. Aucun autre élément n'est à ce point l'ouvert même. [...] Aucun autre élément n'est aussi léger, libre, et sur le mode fondamental d'un "il y a" permanent disponible. C'est pourquoi, toujours là, il se laisse oublier : l'air de rien. »
Luce Irigaray,
L'Oubli de l'air

(t)air(e) est une pièce du grand cycle Scardanelli-Zyklus pour flûte solo, petit orchestre et chœur mixte, sur des poèmes de Hölderlin, dont Holliger raconte ici la génèse :

Au lycée, déjà, je m'étais proposé de mettre en musique les derniers poèmes de Hölderlin mais cette mise en musique entamée avec un élan juvénile avait rapidement tourné court. Plus on se rapproche de ces strophes qui, avec leur extrême simplicite apparente, ressemblent presque à des chansons (elles comportent des ïambes à cinq et six pieds, et les rimes féminines n'ont de pureté que par l'orthographe, plus elles dévoilent l'interdiction qu'elles recèlent : « Noli me tangere ».

Une paroi de verre semble séparer l'observateur de la nature idyllique, au repos, ainsi que des êtres humains qui s'y déplacent. Rien du « bruissement de l'air doux » ne la traverse pour atteindre l'espace acoustiquement mort. L'éclat de la nature devient un rayon éblouissant et douloureux qui heurte la paroi, laquelle agit comme un verre ardent. L'homme qui contemple paisiblement est un exclu (un expulsé ?). Pour lui, « le calme de la nature » devient la rigidité cadavérique de la nature, le silence, un silence de mort : une scène idyllique figée et contrainte au mutisme – une véritable « nature morte ».

Ces poèmes sobres, dont la paix respire un tel équilibre, ces poèmes contemplatifs, que Hölderlin rédigeait toujours à la demande de ses visiteurs contre une pipe de tabac, sont en réalité des masques verbaux derrière lesquels le poète, « battu par Apollon », profondément atteint, tente de s'abriter. Il demeure caché, avec une telle opiniatreté qu'il se débarrasse aussi de son propre nom et donne à ses poèmes des millésimes qui placent le lecteur dans une complète confusion. La datation de ces poèmes, écrits entre 1833 et 1843, va du 3 mars 1648 au 9 mars 1840 ! lls sont le plus souvent signés du nom de Scardanelli, qui était avec Buonarotte et Rosetti l'un des pseudonymes derrière lesquels Hölderlin cherchait a se cacher. Bien des années après avoir abandonné définitivement mon projet de composition, je fus de nouveau saisi, même si ce fut de manière inconsciente, par la force d'attraction des poèmes de Scardanelli.

Avec mon Psaume, le Quatuor à cordes et, surtout avec Atembogen pour orchestre, je me suis rapproché d'une musique dont la forme sonore apparente n'avait à mes yeux qu'une importance secondaire face à la nécessité de rendre sensibles et même visibles les conditions physiques extrêmes dans lesquelles étaient nées ces sonorités.

Durant l'été de 1975, je travaillais à une œuvre pour cordes, exclusivement composée d'harmoniques naturelles. Les intervalles non tempérés et les sonorités dépourvues de fondamentale y créaient une harmonie totalement dépourvue de tension, pratiquement gelée, et une expressivité figée. Sans avoir auparavant le moins du monde songé à une création chorale ou aux poèmes de Hölderlin, ce travail m'a mené à l'univers de Scardanelli.

Heinz Holliger

Finalement l'œuvre résultante, le Scardanelli-Zyklus, comprend :

  • Die Jahreszeiten (Les Saisons), trois fois quatre chants pour chœur a cappella (1975-1978).
  • Übungen zu Sardanelli (Études pour Scardanelli) pour petit orchestre (1975-1985)
  • Turm-Musik, pour flûte solo, petit orchestre et bande (1984).
  • (t)air(e) pour flûte seule (1978-1983)

Dans l'immobilité générale du Scardanelli-Zyklus, (t)air(e) donne libre cours aux impulsions gestuelles de la flûte, l'instrument de Hölderlin. Et le geste dans (t)air(e), c'est aussi le souffle, longtemps contenu puis exhalé, avec violence, ou au contraire au bord du silence. La flûte se meut aux frontières de sa tessiture, depuis le suraigu des whistle-tones jusqu'à son registre grave, décuplé par la voix de l'interprète. Une écriture qui tend vers les marges de l'espace sonore.

La poésie déconstruite, reste sont l'essence : le souffle. Lorsque le langage est décomposé, lorsque le compositeur le fait (t)air(e), il ne reste plus qu'un souffle. Comme l'explique Jean-Louis Tristani, « il suffit de soustraire la parole du chant pour obtenir la composante libidinale respiratoire » : le respir. Saisir ce « retour du souffle » (Atemwende), cette brève césure avant la volte-face, entre l'expir et l'inspir, c'est ce que tente de faire Holliger. Le flûtiste de (t)air(e) se livre à une véritable étude respiratoire.



Heinz Holliger et d'après Peter Szendy, Holliger, Höderlin, Celan, Festival d'Automne à Paris, 1991.

captations

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complete.mp3

Composé par Heinz Holliger

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complete.mp3

Composé par Heinz Holliger , concert du 30 juin 2013


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