Contre la connotation traditionnelle du basson, que l'on imagine volontiers « comique, grotesque ou sautillant », Suzanne Giraud a voulu mettre en valeur « l'aspect mélancolique de son timbre, le côté émouvant et fragile de ses aigus ». Aussi l'entrée du soliste, en contraste avec la brève violence de l'introduction du tutti, est-elle ménagée en réduisant la présence de l'ensemble à une discrète pédale de si, « reléguée aux confins de l'horizon ». Et le basson métamorphose les interjections martelées du triton si-fa en une ligne sinueuse, « comme une plainte lointaine ».
« Soliste – solitaire », telle est, pour la compositrice, la parenté lexicale qui guide la conduite musicale du basson face à l'ensemble, le plus souvent isolé, « plaintif », « désespéré », ornant son melos d'appoggiatures expressives, commençant « tristement » sa cadence par des glissandi descendants. Toutefois, le soliste devient aussi parfois « meneur », en suscitant, notamment à la flûte et à la clarinette, « des échos de son lyrisme ». Et la forme se construit par le biais de « la densification ou de la raréfaction du discours », en recherchant la tension cumulative de la répétition et de l'homorythmie, ou au contraire la dissolution, la fluidité des trémolos, des battements et des trilles.
Peter Szendy.