La motivation initiale de cette « Petite sérénade de la disparition » a été le célèbre tableau de Bruegel, La Chute d'lcare. Mis à part la fécondité bucolique de ses lumineuses images, ce qui m'a le plus impressionné est la touchante incongruité entre le titre et le peu d'importance du rôle assigné à l'événement dont la représentation est annoncée. Comme dans un grand nombre de tableaux de cette époque, cet événement sert de prétexte à un véritable maelström d'images et de références qui finissent par mener leur vie propre.
Ce que cette pièce tente de suggérer est, par conséquent, moins une réflexion sur la dimension héroïco-tragique du mythe sous-jacent, qu'une transcription de l'étrange sensation de « ce qui a d'ores et déjà eu lieu », qu'évoque brillamment Bruegel dans la vue qu'il offre d'un monde menant sereinement ses propres affaires, sans se soucier de la paire de jambes, minuscules au point d'être presque invisibles, qui s'agitent de manière pathétique dans l'eau, la seule trace de l'événement apocalyptique étant deux plumes qui, tristement et lentement, descendent dans le sillage de leur ancien possesseur.
Ma composition reflète clairement deux aspects de cet état de choses, sans prétendre par ailleurs à une fonction d'illustration.
1- Le matériau musical de l'ouverture est entièrement formé quand il éclate, le processus qui l'a engendré, l'autobiographie fictive, étant déjà derrière lui.
2- L'érosion progressive de cette substance répétitive et clairement délimitée conduit à une série de tableaux qui ne se révèlent qu'à travers les trous de ce matériau initial se transformant peu à peu en lambeaux.
La Chute d'lcare, pour petit ensemble avec accompagnement de clarinette, est une commande de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne et a été interprétée pour la première fois au Festival de Strasbourg de 1988 par Armand Angster et le Nieuw Ensemble, dirigé par Ed Spaniaard.
Brian Ferneyhough.