L'idée de départ qui a conduit à la composition de Kurze Schatten II est la puissante image, trouvée dans le texte de Walter Benjamin portant le même titre, du soleil qui, lorsqu'approche midi, projette des ombres qui s'amenuisent progressivement, jusqu'à ce que, finalement, l'objet ne soit plus que lui-même, nu. Sans résidu.
Cette image m'a semblé représenter excellemment la manière dont je tente de parvenir à inscrire mon langage musical dans le « texte » très spécifique, historiquement et physiquement délimité, de la guitare. Chacun des sept mouvements émerge d'une confrontation très ramassée entre des aspects formels et techniques, aboutissant à un exposé dense et compact. (Sans résidu...). Deux éléments servent, plus largement, à relier ces structures disparates : d'une part, la convention qui consiste à coupler un mouvement lent et un mouvement rapide pour en faire une unité ; d'autre part, la remise au diapason, parallèlement, de trois des quatre cordes désaccordées après chaque mouvement double (lent et rapide), une corde à la fois. Le résultat est le retour progressif à l'harmonie habituelle de la guitare après une période initiale de distorsion atonale. La dernière corde désaccordée (si bémol) fournit un fil d 'Ariane au dernier mouvement, qui est une fantaisie, l'œuvre se terminant exclusivement sur cette seule corde.
Les trois premiers mouvements de Kurze Schatten II ont été composés en 1983 à la demande de Magnus Andersson et ils lui sont dédiés. Les autres ont été achevés dans les derniers mois de 1988, le tout ayant été interprété pour la première fois par Magnus Andersson au début de 1990 dans le cadre des concerts Contrechamps à Genève.
Brian Ferneyhough.