Durations (1960-1961) est une suite de cinq pièces pour différentes combinaisons instrumentales ; dans chacune, les instrumentistes commencent simultanément, puis déterminent la durée de leurs interventions à l’intérieur d’un temps général fixé. Dans chaque partie sont explorées des qualités très diversifiées de timbre. Dans Duration III (1961) pour violon, tuba et piano, après un premier accord joué simultanément par les trois instrumentistes, la durée de chaque son suivant est laissée à l’appréciation de chacun. Des nombres placés entre les sons indiquent des temps de silence. On peut observer à l’intérieur de la section III un procédé qui pourrait être comparé à un procédé de tissage, et que l’on retrouvera dans la notion de pattern. Au cours des quinze premiers accords, trois hauteurs de son (fa dièse, sol, la bémol), dans des registres différents, sont tour à tour comme échangées par les musiciens, ce qui provoque à la fois une impression de statisme (soulignée par les répétitions de chaque son) et de subtiles modulations apportées par les changements de registre et de timbre. Cette pièce diffère notamment des autres Durations par le fait qu’elle comprend plusieurs mouvements, le dernier étant indiqué « rapide », ce qui demeure toujours inhabituel chez Feldman.
Jean-Yves Bosseur, extrait de : Morton Feldman, Écrits et Paroles, L’Harmattan, 1998.