Cette pièce fait partie d’une série d’œuvres permettant de dialoguer avec les sons de la technologie primitive d’enregistrement. En son centre se trouve un enregistrement de 1860 récemment découvert par l’inventeur français Édouard-Léon Scott de Martinville chantant la chanson française Au clair de la lune sur son phonautographe. Considéré comme la plus ancienne méthode de capture du son, le phonautographe de Scott de Martinville utilisait un stylet pour transcrire les ondes sonores en une ligne tracée sur du papier noirci par la fumée. Conçus comme un simple enregistrement visuel de la parole humaine, ces modèles ont été convertis au format audio par des scientifiques du Laboratoire national Lawrence Berkeley en 2008.
Mais la voix de Scott de Martinville et le matériel sonore que sa technologie a capté ne sont pas le seul matériau dans ma pièce, l’enregistrement de 10 secondes n’y apparaissant qu’une seule fois. smoke-blackened paper est plutôt construit principalement sur les éléments de bruit qui forment des palimpsestes entrelacés avec la voix de Scott de Martinville. Ces éléments sonores irréguliers sont juxtaposés avec les sons de l’interprète, capturés et joués dans différents corps en résonance. L’enregistrement de Scott de Martinville, réalisé un an avant le début de la guerre civile américaine, ouvre une porte étrange sur le passé. Mais peut-être plus concrètement, cela pose également des questions pressantes sur l’avenir : quelles voix la technologie préserve-t- elle et comment sont-elles préservées ? Et en tant que gardiens des nouvelles technologies audio, comment pouvons-nous examiner ces questions collectivement et de manière critique dans l’espoir de façonner un avenir plus juste et plus égalitaire ?
William Dougherty, note de programme du concert du 18 juin 2019 au Centquatre-Paris.