Au centre, le musicien et son instrument. Tout autour, deux corps métalliques suspendus, les résonateurs, et deux corps humains, debout, dans l’attente. Au départ, on est à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de ce centre. On voit, au loin, des mains qui explorent la surface de l’instrument en dessinant des mouvements fluides, comme si elles voulaient, avec ce premier contact tactile, en détecter le centre et ses périphéries. Cependant, cette exploration génère un son, disproportionné par rapport à l’attente du spectateur, qui envahit la salle et se multiplie. Le public se retrouve alors projeté à l’intérieur d’un espace paradoxal dans lequel la proximité acoustique des gestes tracés sur le violoncelle par la peau et les ongles perturbe sa perception de la distance physique qui le sépare de la scène. En même temps, les danseurs commencent à étendre silencieusement les gestes de l’instrumentiste. Les résonateurs, dans leur immobilité, commencent à prendre vie au fur et à mesure que le son du violoncelle les traverse pour se projeter ensuite dans un espace acoustique toujours plus encombré de réflexes distordus, ambigus – autres territoires, autres mains. Tel un organisme en mouvement qui se déplace lentement entre deux miroirs, le centre initial disparaît dans la multitude des images qui le multiplient. Ses prolongements complémentaires et opposés – les danseurs et les résonateurs – acquièrent leur propre identité, en dépassant leur rôle subalterne, pour aller à la recherche d’un nouvel équilibre. Dans cette œuvre, j’ai essayé d’observer de près comment ces deux pôles opposés et leur centre trouvent différentes formes de contact en évoluant dans le temps.
Note de programme du concert Cursus du 16 juin 2018 au CentQuatre.