Le trio pour violon, violoncelle et piano est une formation classique dont le poids historique exige du compositeur qui tente d’écrire une œuvre originale pour cet effectif, une stratégie compositionnelle particulièrement réfléchie.
Que l’on pense au Trio à l’Archiduc de Beethoven, au trio n°2 de Schubert, au trio n°1 op. 8 de Brahms, au trio de Ravel, et plus récemment à ceux de compositeurs comme Gérard Pesson ou Beat Furrer, les œuvres pour piano et cordes n’ont cessé d’enrichir le répertoire de la musique dite classique.
Eiwān est une tentative pour exploiter les capacités sonores offertes par la combinaison de ces trois instruments. L’envie de composer une œuvre pour piano et cordes s’inscrit naturellement dans mon parcours musical après l’écriture de trois quatuors à cordes et, plus récemment, d’une pièce pour piano seul. La composition d’une œuvre réunissant ces deux groupes instrumentaux, les cordes et le piano, est pour moi un véritable défi. Pour m’affranchir de la référence historique et classique attachée à cet effectif, la recherché pour un propos original et personnel est donc primordial.
Le geste est l’élément moteur de la composition de Eiwān. L’idée de me laisser emporter par la force des « substituts gestuels » – terme utilisé par Philippe Leroux –, dans la musique commence avec l’écriture de Tak-Sīm (2012), mon dernier quatuor à cordes. Dès lors, le geste a joué un rôle de plus en plus prégnant dans ma musique. Pour Eiwān, après avoir catégorisé différents types de gestes issus de la musique persane – monodique et très ornementée –, j’ai cherché à exploiter leur force musicale dans un contexte autre que celui d’origine. Ainsi les gestes musicaux sont réinventés et donnent naissance à une œuvre nouvelle.
En perse Eiwān désigne un espace voûté ouvert, frontal, dessinant un grand arc, orné de formes calligraphiques, géométriques et incrustées de céramiques émaillées. Le titre éponyme de ma pièce fait référence à ces figures ornementées, qui prennent corps ici à travers la musique.