L’œuvre s’inspire du théâtre sans parole connu sous le nom de pantomime. Dans une pantomime, le mime incarne à lui seul différents personnages dans une situation quelconque. Le maquillage blanc sur son visage est un masque neutre qui lui permet de se glisser d’un personnage à l’autre de manière presque imperceptible. Dans ma pièce, plus qu’un personnage en particulier, j’ai voulu recréer des situations dans lesquelles la musique porte un message matérialisé par les sons. De la même manière que le mime exprime une idée sans avoir recours à la parole, mais avec des gestes, j’utilise ici des « gestes » sonores : le son est en effet, comme le mime, un langage capable de transmettre des émotions, des sensations et des idées. Pour le mime, la représentation est en fait le résultat d’une étude approfondie des symboles de la gestuelle humaine. J’ai, quant à moi, effectué un travail équivalent avec la musique, qui fonctionne de manière similaire : je me sers de gestes musicaux, auxquels je confère une symbolique inspirée d’une idée extramusicale. J’ai donc conçu quatre « pantomimes de sons » évoluant chacune dans un contexte précis, avec des sections aux contrastes clairs, qui suggèrent les ruptures liées aux changements de caractère.
La première pantomime, intitulée Lux, évoque les rêves, les souhaits, les idéaux et tout ce qui relèverait de l’intangible. Ce mouvement est orienté vers un effort collectif matérialisé par le jeu des instrumentistes, qui collaborent tous ensemble à une quête d’idéaux, musicalement incarnés par un flux de sons aigus entrelacés.
La deuxième section, Confrontation, est basée sur la fragmentation de cette pensée collective face à l’affirmation et la confrontation des identités individuelles. Deux bancs bien distincts se forment alors sur scène, opposant le trio à cordes et le trio à vents qui jouent toujours par blocs, en alternance. Les cordes sont traitées ici de manière percussive dans une texture polyphonique complexe, tandis que les vents se caractérisent par des sonorités raides sur des figures rythmiques à l’unisson.
Lamento figure un moment de recueillement. Il s’agit d’un adagio inspiré des chants de funérailles de Transylvanie utilisés par György Ligeti (à qui je souhaitais ici rendre hommage) dans le deuxième mouvement de son Concerto pour piano et ensemble.
Intitulé Beatbox Rap, le dernier mouvement fait éclater la fête, le jeu et le partage dans un contexte ludique. Je me suis inspiré bien sûr de la beatbox, cette pratique vocale où une seule personne est capable d’imiter simultanément avec sa voix divers instruments de musique, y compris de percussion. Cette tâche est ici assignée à la flûte basse, utilisée comme instrument principal, qui gère à la fois les mélodies, la percussion et l’accompagnement.
Luis Fernando Rizo-Salom, ManiFeste 2013.