La pièce s’articule selon le mouvement d’une ligne, celle d’une ligne mélodique continue qui devient son identité. Elle offre une manière particulière de traiter le dramatisme par la tension qu’elle demande aux interprètes. Les deux instruments résonnent comme une seule voix, une sorte de conque ancienne et étrange où le basson vibrerait grâce aux cordes sympathiques de l’alto. Au-delà des difficultés qu’ils entraînent, les procédés de glissando et de respiration continue demandent au bassonniste une grande précision et une force contrôlée pour que le poids exact de l’air qui sort de l’instrument soit juste. Mais c’est le danger que provoquent ces curiosités techniques qui donne ainsi sa forme définitive à l’œuvre. En effet, le musicien est amené à la limite de l’expérience possible, avec un engagement total et véritable. Les qualités de la profondeur de la mélodie, qui trouve le lieu de son expression dans la consonnance des phrases vibrant l’une par l’autre, déterminent le cheminement par lequel les musiciens précisent la quête d’une langue poétique qui s’édifie peu à peu à travers l’œuvre et, par ces sonorités inconnues, donnent le poids exact de leur art, de leur sagesse.
Philippe Fénelon.