- Informations générales
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Date de composition :
2009
- Durée : 13 mn
- Éditeur : Editorial Tritó, Barcelone
- Commande : Ensemble Contrechamps
- Dédicace : à l'Ensemble Contrechamps
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Date de composition :
2009
- Genre
- Musique instrumentale d'ensemble [Ensemble instrumental mixte de 5 à 9 instruments]
Effectif détaillé
- flûte piccolo (aussi flûte), clarinette basse (aussi clarinette), piano, violon, alto, violoncelle
Information sur la création
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Date :
19 janvier 2010
Lieu :Suisse, Genève, Auditorium Ernest Ansermet
Interprètes :l'ensemble Contrechamps, direction : Jurjen Hempel.
Note de programme
Isolés, gelés dans le temps : des états, des matériaux sonores hétérogènes et d’énergies très différentes sont présentés en succession. Des ramifications extrêmes d’une matière originaire non reconnaissable sont issues de diverses façons d’articuler la physiologie du jeu instrumental. Les cordes structurent chaque bloc sonore par un jeu plus ou moins « vibrant ». Les textures les plus énergétiques seront celles ou les interprètes activent et articulent la main gauche ou/et la main droite périodiquement ou apériodiquement, et d’une façon plus rapide ou plus lente dans une, deux, ou dans les trois dimensions de l’espace. Dans ces zones intenses, à grain très fin, on produit un effet de stroboscope acoustique avec la fusion d’un rythme extrêmement irrégulier et l’articulation contrasté de sons stridents avec des sons très souples sur des positions d’harmoniques naturelles, des harmoniques friables et des trémolos très serrés. Ainsi, la musique nous conduit aux limites de l’échelle temporelle dont nous percevons la matière sonore. Espace et temps deviennent musicalement indissociables.
Pendant les quatre premières minutes de Stress Tensor, ces états ne se transforment pas – ils restent comme des îles émergentes dans un plus large espace de possibilités non encore explorées. Mais cet ensemble de textures contient, en puissance, la totalité des vecteurs de force qui tisseront le développement et la culmination de la pièce. Ainsi, chaque texture fait ressentir à son intérieur son « potentiel inhérent de développement ». C’est-à-dire, nous y percevons des fortes tensions internes qui incitent le mouvement, le changement de situation.
Ces forces deviennent insoutenables, et à partir de ce moment – après quatre minutes d’hésitation et d’une continuité en suspension – et jusqu’à la fin de la pièce, l’ensemble de paramètres musicaux évoluent et interagissent tout en déployant un « univers total », un espace sonore vaste, équilibré et complètement entourant. Parmi ces paramètres, nous pouvons citer, par exemple, la pression de l’archet sur les cordes, la vitesse de l’archet, sa position sur la touche, la variabilité de pression des doigts de la main gauche sur les cordes, etc. L’articulation conjointe – en mouvement libre et lacérant – de tous ces paramètres, dessine des formes appréhensibles, mémorisables : des morphologies spectrales et dynamiques protéiformes qui prennent un sens structurel.
Enfin, nous pouvons définir la forme de cette pièce de la façon suivante : d’abord, nous sommes confrontés face à des îles sonores contrastantes et fragmentaires, très ramifiés, mais déjà développées. Le rapport profond qu’elles ont n’est pas encore dévoilé. Ensuite, tout un réseau de relations significatives entre ces différentes textures sonores se déploie sous une stricte polyphonie, en tissant un continuum musical qui commence à gagner de l’énergie, à changer de forme, à évoluer jusqu’au point de fusionner les matériaux hétérogènes. Notre compréhension de cet « espace sonore global », caractérisé essentiellement par la qualité de sa vibration, renouvellera notre point de vue sur les matériaux initiaux et nous replacera nous-mêmes dans le mystérieux monde qui a grandi à partir des nos premières sensations. En le conférant une nature plus profonde et vaste, l’espace-temps sonore permet l’émergence des émotions reliées au sens le plus architectural.
Il y a quelque chose de magique dans la musicalité inhérente à l’être humain que je mettrais en parallèle, en termes esthétiques, avec la beauté que les physiciens – Einstein notamment – ont trouvé dans la Nature : le tenseur de stress – d’énergie et impulsion (l’ensemble des matériaux musicaux) – c’est la source du champ gravitationnel, de la courbure de l’Univers. Ou, ici, de la pièce dans son ensemble.
Hèctor Parra.
La composition de Stress Tensor vient immédiatement après celle d’Hypermusic Prologue, créé dans le cadre du festival Agora en juin 2009. Stress Tensor partage avec l’ambitieux « projective opera » écrit en collaboration avec la physicienne Lisa Randall, une même source d’inspiration : la physique théorique et, en son sein, les théories physiques découlant de la révolution relativiste avec laquelle Einstein a bouleversé notre vision de l’univers. Ici toutefois, on ne met pas l’accent sur le modèle à cinq dimensions proposé par Lisa Randall (dans le cadre de la théorie des cordes et des branes) et l’on revient aux concepts fondamentaux de la relativité : la notion de courbure de l’espace-temps et celle de tenseurs énergie-impulsion. Dit simplement, ces tenseurs sont des outils mathématiques qui expriment et relient, dans la théorie de la relativité générale, la répartition de masse et d’énergie dans l’espace-temps avec la courbure de l’univers. Comme dans Hypermusic Prologue, le modèle mathématique fourni par la théorie n’est pas transcrit d’une façon automatique (mécanique ou littérale) pour créer de la matière musicale. Hèctor Parra développe un réseau de rapports structurels entre le monde abstrait de la physique mathématique et la musique : « Je remplace la mathématique par la musique comme langage pour créer une représentation esthético-émotionnelle, au service d’une description du réel. » Si la physique donne des outils pour décrire l’univers d’une manière très quantifiée et détaillée, la musique peut en donner d’autres. Mis face à un paysage, le géographe y quantifiera les distances, les densités, les couleurs, quand le peintre le figurera sur sa toile. Les deux démarches sont pertinentes – Hèctor Parra penche plutôt pour la seconde : « une interprétation poétique de l’univers que la théorie décrit. Pour le faire, un plasticien opterait peut-être pour un mouchoir négligemment tombé à terre : il ne serait pas tombé à plat, mais épouserait plutôt les formes invisibles d’un univers dont la courbure ne nous est pas immédiatement perceptible. Pour moi, c’est une topologie musicale – au sein des limites sonores fixées au début, je crée un champ de force à haute énergie qui donne, par les interactions entre rythme, espace sonore et espace temporel, cette image d’espace tissé dans le continuum, un continuum sonore. »
Jérémie Szpirglas, note de programme du 2 mars 2011.
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