- Informations générales
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Date de composition :
2003 - 2008
- Durée : 53 mn
- Éditeur : Editions Musicales Européennes
- Commande : Festival Musica (Strasbourg), Casa da Música (Porto) et CDMC (Espagne)
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Date de composition :
2003 - 2008
- Genre
- Musique de chambre [2 violons, alto, violoncelle]
- violon, violon II, alto, violoncelle
Information sur la création
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Date :
2 octobre 2008
Lieu :France, Strasbourg, Palais du Rhin, festival Musica
Interprètes :le Quatuor Diotima.
Observations
voir chacun des quatuors
voir l'ouvrage : José Luis BESADA, Metamodels in Compositional Practices, The case of Alberto Posadas's Liturgia Fractal, préface de Lawrence M. Zbikowski, éditions Ircam-Centre Pompidou/Delatour France, collection « Musique/Sciences », 2017.
Écouter l’enregistrement du concert ManiFeste du 24 juin 2013 : https://medias.ircam.fr/x84b215
Titres des parties
Note de programme
Liturgia fractal est un cycle de cinq quatuors à cordes, dont chacun utilise un modèle fractal différent. Le travail, sur ce qui est ici presque une allégorie du mouvement ondulatoire, se fonde sur l’idée du cycle comme « entité naturelle ». La combinaison de l’idée de ressemblance à soi (fractal) et de celle de propagation (l’onde) reflète la recherche d’un son qui se développe organiquement comme une partie supplémentaire ajoutée à la nature.
L’ensemble du cycle est constitué de cinq quatuors, mais il est possible également d’en donner deux ou trois sous différents regroupements sans perdre l’équilibre atteint avec l’ensemble.L’un d’entre eux, Arborescencias, peut même être exécuté seul 1.
Le premier, Ondulado tiempo sonoro, fonctionne comme cellule de base des autres : y sont présentés les matériaux ou paramètres les plus importants sur lesquels travaille l’ensemble. Chaque quatuor ajoute de nouveaux matériaux à ceux déjà utilisés, et qui réapparaîtront à leur tour dans les unités suivantes. Ainsi chaque pièce apparaît comme la « somme transformée » de tous les précédents.
Dans ce quatuor, on utilise comme modèle fractal le mouvement brownien, tel qu’il caractérise par exemple le mouvement de particules flottant dans un liquide. La macrostructure de l’œuvre est réglée par un seul mouvement brownien, généré cependant pour chaque instrument avec un degré d’imprécision différent, si bien que la macrostructure se décale dans le temps, donc sous forme ondulatoire.
En même temps, le mouvement brownien est retravaillé à partir de processus d’interversion produisant une transformation topologique qui détermine tout, de la durée d’un événement jusqu’à la disposition des registres, donc de la succession temporelle des sons jusqu’à leur disposition dans l’espace. Il est intéressant d’observer que ces systèmes d’interversions fractales, appliqués à des mouvements browniens, génèrent des « symétries irrégulières » assez proches du mouvement concentrique des vaguelettes quand on jette une pierre dans l’eau.
Il en résulte une musique où des matériaux sonores très puissants, énergiques, temporellement décalés (comme des ondes longitudinales), sont confrontés à des sons qui s’éteignent quasiment, pliant ainsi l’espace sonore plusieurs fois en couches de hauteurs et de timbres (comme des ondes transversales).
Dans le deuxième quatuor du cycle, on travaille également avec les mouvements browniens, mais d’une autre manière : l’instrumentation et les hauteurs sont réglées cette fois-ci par quatre mouvements indépendants les uns des autres.
Pour la répartition des matériaux musicaux, on a cependant essayé de relier ces différents mouvements browniens. Le premier violon « module » ainsi ceux du second violon, qui module à son tour les mouvements de l’alto, et celui-ci les mouvements du violoncelle. Chaque mouvement, au départ autonome et aléatoire, développe alors une relation à tous les autres.
Ce quatuor, le plus long du cycle, produit une atmosphère d’intimité et de sensibilité extrêmes. On y explore un monde microscopique fait de sons ténus. L’utilisation de différents types d’harmonique et de sourdine (Tourte, en bois, ou Tonwolf) régit les timbres et les dynamiques.
Le titre renvoie d’emblée au modèle fractal utilisé pour élaborer la composition. On a recouru ici aux trajectoires de points formant un ensemble de Mandelbrot (du nom du mathématicien qui a formulé la théorie des fractales). Ces points ont une certaine distance par rapport au point dans l’espace où se forme le « petit homme à la pomme ». Ces distances ont été à la fois converties en temps pour répartir les événements sonores et fixer la structure, mais aussi en un « espace musical », espace désignant tout ce qui porte sur la répartition des fréquences. Il s’agit ici d’un travail topologique sur les harmoniques, qui utilise non pas des notes mais des fréquences sonores, converties ensuite en notes.
Avec ce quatuor, nous revenons vers un monde sonore puissant, et même emphatique à certains moments, qui semble se dissoudre passagèrement en sonorités douces, comme les images incertaines de la mémoire.
Cette œuvre fait exception au sein du cycle puisqu’il ne s’agit pas à strictement parler d’un quatuor à cordes, mais d’une pièce concertante pour violon solo et trio à cordes. Grâce à cette situation inhabituelle, c’est la seule qui peut être jouée en dehors du cycle, de manière parfaitement autonome. La pièce s’organise autour de deux cadences du premier violon. Les autres instrumentistes se glissent doucement dans la seconde cadence et leur jeu s’enlace autour de celui du violon solo.
De nombreux processus arborescents observés dans la nature relèvent d’une croissance fractale. Chaque « segment » de l’organisme dépend alors toujours de la situation et de la taille de celui qui précède. Dans Arborescencias, cette structure arborescente a été appliquée au facteur temporel. Dans chaque section, la répartition temporelle du matériau dépend de la durée du précédent, exactement comme dans une plante, où la longueur d’une pousse dépend de celle de la précédente au moment d’une bifurcation. Le système devient ainsi extrêmement « sensible » : la moindre déviation dans la durée d’un matériau aurait une incidence profonde sur la durée de tous les autres matériaux de la pièce.
Dans cette dernière pièce du cycle, le quatuor forme à nouveau un bloc dense et homogène, et il est considéré comme un seul instrument polyphonique. L’œuvre débute sur une homophonie rythmique, geste sur lequel le premier quatuor Ondulado tiempo sonoro… s’était achevé. Il réapparaîtra de nouveau à la fin du quatuor, complétant l’arche que forment les cinq unités du cycle.
Le modèle fractal appliqué ici sert à produire des structures rhizomatiques. Nous connaissons ces structures depuis les observations de Léonard de Vinci sur les plantes, mais ce n’est que grâce à des études récentes que nous disposons d’algorithmes qui simulent ces systèmes avec une grande précision. C’est un de ces algorithmes, calculé pour le système sanguin et le réseau veineux, qui est utilisé ici.
La longueur de chaque embranchement, dépendant étroitement de la longueur du précédent, détermine ici la structure des matériaux, alors que les angles déterminant les embranchements et rotations sont appliqués à la répartition des registres et au travail sur les hauteurs.
La fascination pour l’anatomie et la physiologiede la nature, et l’idée que des modèles naturels peuvent s’appliquer à la création artistique, apparaît clairement dans cette liturgie fractale qui est en même temps « liturgie de la nature ».
- Concrètement, les options possibles sont les suivantes, les quatuors successifs étant désignés ici par des lettres : A-B-C, A-B-E, A-D-C, A-D-E, A-C, C-E, D-A.
Alberto Posadas.
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