Gérard Pesson (1958)

Aggravations et final (2002)

pour orchestre

  • Informations générales
    • Date de composition : 2002
    • Durée : 13 mn 30 s
    • Éditeur : Lemoine, Paris
Effectif détaillé
  • 3 flûtes (aussi 1 flûte piccolo), 3 hautbois (aussi 1 cor anglais), 4 clarinettes (aussi 1 clarinette en mib, 1 clarinette basse), 3 bassons (aussi 1 contrebasson), 4 cors, 3 trompettes (aussi 1 trompette [en ré] ), 2 trombones, tuba, 4 percussionnistes, harpe, piano, célesta, 16 violons, 14 violons II, 12 altos, 10 violoncelles, 8 contrebasses

Information sur la création

Note de programme

Le mouvement des vivants échappe au temps de pause
Olivier Cadiot

Dans Aggravations, j'ai voulu avancer sans retour en arrière, ce qui est intellectuellement impossible (et en musique plus que dans tout autre art) utilisant, en les concassant : marches, rythmes de chevauchée, valse, ritournelles, échos familiers, non pas citations, puisque qu'il s'agit d'archétypes, mais plutôt prélèvements comme pour un autovaccin.

La vitesse, l'aspiration par le vide, l'impression de vertige, une sorte d'épuisement progressif de la matière par accélération ramène à l'idée de frayeur, de mécanique inexorable, de pente (dans le sens aussi d'inclination, de propension). Je pensais bien parfois qu'écrivant Aggravations, j'avais capté la musique trop tard, quand elle était déjà dans sa phase d'essorage.

Le principe qui précipite, relie et contredit cette règle est la boucle (idée que j'avais abordé en 1987 dans ma première oeuvre d'orchestre, le Grand quinconce, sorte de mobile sonore à la Tinguely), la répétition pure, l'itération par blocage, le sillon fermé. Cet effet rondo par refrains en boucle incruste une certaine lenteur structurelle dans un tempo frénétique. Le sujet fait du sur place (Roland Barthes)

L'aggravation, chemin faisant, est devenue, dans cette œuvre, une entité formelle et poétique, comme les Béatitudes chez César Franck. Chaque aggravation est donc suivie d'une boucle (on pourrait dire un double), précipité de la matière précédente. Deux conducti — silences colorés — ponctuent la forme avant le final plus ramassé et unitaire, où l'on repère facilement le motif de la chevauchée puis une sorte de mécanique grinçante et sèche qui marque les dernières forces du ressort.

Dans ce lacéré d'affiches, on peut voir réapparaître, effilochées, quelques publicités, figures très anciennes auxquelles une tendresse profonde, remontant parfois à l'enfance, nous lie. On reconnaîtra Bruckner, qui a procédé souvent lui-même par panneaux successifs, Messiaen, et ses émaux cloisonnés, mais aussi, Scarlatti (le fils) dont Aggravations a pris, par réflexe, ce couper-coller de la pensée, la façon fébrile, le jeu cruel et délicat –- folie au travail - fouettant, déchirant, agrégeant la matière dans une fuite en avant, manière presque dédaigneuse de mettre à mal l'idée même et son intégrité, comme s'il s'agissait, en fait, de semer les poursuivants.

Gérard Pesson, 15 août 2002.