Jean-Claude Risset (1938-2016)
Reflets (1991)
mais déjà vient la nuit, pour récitant et quatorze instruments
- Informations générales
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Date de composition :
1991
- Durée : 35 mn
- Éditeur : Salabert, Paris, nº 3573
- Commande : Ministère de la culture pour l'inauguration de l'Exposition Proust et les peintres, Chartres, 1991
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Livret (détail, auteur) :
Mais déjà vient la nuit, adapté de Marcel Proust par François Bourgeat.
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Date de composition :
1991
- Genre
- Musique vocale et instrument(s) [1 voix soliste et ensemble de 10 à 25 instruments]
- soliste : récitant non spécifié
- 2 flûtes, hautbois, clarinette, cor, 2 trombones, percussionniste, piano, violon, violon II, alto, violoncelle, contrebasse
Information sur la création
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Date :
30 juin 1991
Lieu :Chartres, Collégiale Saint-André
Interprètes :Ensemble Musique Nouvelle de Liège, direction Jean Leber, récitant : François Chaumette.
Observations
six mouvements, avec la possibilité d'en choisir un à six, en particulier le premier (d'une durée de 14 mn).
Note de programme
Je me suis toujours soucié, dans mon travail de musicien, d’élaborer le matériau sonore : compose le son, comme un peintre compose sa palette de couleurs. Les réflexions de Marcel Proust sur la peinture me touchent au plus vif. Son regard est sensible, gourmand, perceptif, il accroche le détail essentiel – « Dieu est dans les détails » a écrit l’architecte Mies Van der Rohe : le petit pan de mur jaune, dans la « vue de Delft » de Vermeer, est à lui seul précieux comme une peinture chinoise. Mais, en même temps les notations les plus diverses de Proust s’articulent comme des éléments d’un immense puzzle : dans La Recherche, phrases, êtres et idées circulent comme dans une musique. C’est dire la fascination que l’œuvre de Proust peut exercer sur un musicien.
La littérature dit quelque chose – mais elle fait autre chose ; Proust peut apparaître comme le chroniqueur mondain de milieux aisés ; mais son ambition est d’une autre ampleur, elle vise ce que tout artiste recherche : s’affranchir du temps, de ce temps qui s’écoule – se perd ? – à chaque seconde. Comme Debussy, Proust est un révolutionnaire tranquille. Evoluant au sein d’un univers familier, il le bouleverse de l’intérieur, il y révèle des relations inaperçues ; il fait surgir un sens nouveau par un travail sans relâche sur l’écriture et la mémoire – sur le temps.
La musique, elle, ne dit rien. Elle instaure son déroulement temporel elle force l’auditeur à vivre le temps de l’œuvre. Elle dit le temps.
Mais c’est un texte qu’il fallait mettre en scène. C’est François Bourgeat, homme de théâtre à l’écoute musicienne, qui a dégagé de La Recherche un canevas lié au thème de la peinture, de la création artistique et du temps : et ce canevas impose déjà une forme, ou au moins un format, pour le temps de la musique. Il demande aussi (je cite François Bourgeat) « un rapport dynamique entre l’acteur (le narrateur, sa voix, son corps) et la musique ».
L’adaptation de François Bourgeat est centrée sur le thème de l’urgence de la création. Le temps du créateur est limité : comme un peintre devant un paysage, il faut se hâter tant qu’on a de la lumière.
Le temps risque de manquer à l’auteur pour parachever son travail de métamorphose, pour accomplir la transfiguration du quotidien, pour pérenniser dans l’œuvre d’art ces instants pour lesquels la vie vaut d’être vécue. Comme l’a fait Vermeer dans la « précieuse matière du tout petit pan de mur jaune ». Fenêtre dramatique, interlude de l’exposition, Mais déjà vient la nuit fera écho, je l’espère, à l’extraordinaire dialogue de Proust avec lui-même avec le temps.
Jean-Claude Risset.
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