<p>Rasch (Ecouter après)</p><p>"Dans les <em>Kreisleriana</em> de Schumann, je n'entends à vrai dire aucune note, aucun thème, aucun dessin, aucune grammaire, aucun sens, rien de ce qui permettrait de, reconstituer quelque structure intelligible de l'œuvre. Non, ce que j'entends, ce sont des coups : j'entends ce qui bat dans le corps, ce qui bat le corps, ou mieux : ce corps qui bat."</p><p>Ainsi débute <em>Rasch</em>, de Roland Barthes, texte écrit en 1975 pour Émile Benveniste. Cette question du corps, centrale dans mon travail des prochaines années, se dérobe effectivement à la traditionnelle cohorte des explicitations possibles, plausibles, confortables. Ce qui importe ici, dans ce cycle de pièces pour violoncelle, ce serait le surgissement fantomatique du piano des <em>Kreisleriana</em> ' (celles de R. S.), à travers la mutation du corps instrumental, par le seul déclenchement de mots d'autrui (ceux de R. B.).</p><p>C'est une expérience connue, presque banale : un ou une ami(e) nous parle avec enthousiasme de la forte impression que lui a laissée une musique et, à l'écoute de cette même musique, s'opère un phénomène de reconnaissance: on "post-entend" littéralement ce qu'on n'avait jamais entendu, mais déjà pressenti. C'est cette expérience d'impossible première écoute que je voudrais ici transcrire en musique — une musique, en quelque sorte, post-écoutée.</p><p><em>Brice Pauset, Septembre 2005.</em><br /></p>