Slova est un triptyque dont la composition s’est étendue sur une assez longue période. Les textes ont été écrits spécialement pour cette œuvre par Daniela Langer. Les raisons du choix de la langue tchèque sont diverses. Elles remontent à la période de composition de mon opéra K… qui est inspirée du Procès de Kafka et se déroule à Prague. Mais une raison plus « sonore » m’a été fournie par le fait que cette langue est très chargée en consonnes et fournissait de ce point de vue un terrain de recherche et d’expérimentation extrêmement riche.
Au cours des travaux que j’effectuais dans ce domaine à l’Ircam, j’ai utilisé des idées sonores nouvelles : « balance » entre les sons bruités et les sons voisés, étirements temporels, désynchronisation des voyelles et des consonnes etc… L’opéra n’ayant utilisé que quelques phrases de ce texte, j’ai décidé de l’utiliser intégralement dans la première pièce cette œuvre, en adaptant ce que j’avais expérimenté dans le domaine de la synthèse à un chœur réel.
Ozveny, se développe dans une forme vaste et complexe et superpose parfois une même phrase en différentes couches, évoluant dans des temporalités différentes, représentant les différents contenus, voisés ou bruités, qui la constituent. Toutes les techniques que j’ai élaborées dans le domaine de la synthèse vocale trouvent ici une transcription dans l’écriture pour chœur réel.
C’est dans un second temps que j’ai décidé d’adjoindre deux autres pièces à cette première. L’ensemble m’apparait maintenant comme un lointain souvenir des formes de certaines symphonies malheriennes avec un premier mouvement très développé, un centre scherzando et un adagio final. Le second volet Ententÿky prend pour base le texte d’une comptine tchèque qui ici est répétée inlassablement, mécaniquement, devant conférer à cette pièce un sentiment d’étrangeté, voire de terreur enfantine.
La dernière pièce Úzkost est baignée dans une lumière glacée. L’immobilisme initial est parfois perturbé par l’intrusion de conduits chromatiques et tortueux, mais finit par s’imposer dans une fin extrêmement statique.
Philippe Manoury.