N’étant pas théologien, j’éprouve quelque difficulté à commenter ce qui n’existe pas, ce qui est le statut actuel (janvier 1998) de cette œuvre. Je pourrais décrire tout ce qu’elle ne sera pas, mais le risque est grand et les généralités trompeuses.
Il suffit quelquefois d’un détail pictural ou littéraire pour engendrer une forte volition esthétique. Le geste malencontreux d’Orphée, détournant le regard vers son aimée, est connu pour être lourd de sens : sa raison de vivre lui est ravie à jamais et il sera lui-même mis en pièces par les Ménades sur les bords de l’Hèbre, à moins qu’il n’ait été foudroyé par Zeus (les sources sont autorisées, mais nombreuses).
J’imagine assez une transposition des significations de ce geste vers le domaine apparemment éloigné de la formalisation ; d’autant que ce geste s’effectue dans le temps. Les personnages de ce « drame symbolisé » pourraient être le destin, le monde souterrain (cher à Kircher), le pacte, la lumière et le désir.
Depuis que l’art est mort, on est facilement coupable d’avoir du style, là où il est devenu aussi rare de le rencontrer que la personnalité elle-même. Cette œuvre ne se laissera pas facilement disséquer, tant la notion de style sera tantôt le produit de la confrontation d’activités intermédiaires fortement contraignantes et individualisées, tantôt l’instance même de répartition à différentes régions de processus scindés en atomes non significatifs.
« Je suis pour la liberté, mais dans l’ordre », a dit sans rire un politique français il y a moins de deux lustres. Le passage d’une fonction du style à l’autre, la traversée de plusieurs passages relativement individualisés se fera dans une impression de liberté. J’aime assez ce moment où l’ensemble des contraintes impose de choisir entre différentes solutions — toutes raisonnablement valables —, afin de lier substantiellement les impératifs du local et du global.
Nous verrons bien.
Brice Pauset, janvier 1998.