L'œuvre accomplie est la trace. Ce qui reste d'un chemin imprévu, la dilatation d'une idée initiale. Un instant qui est le son de toute la pièce. L'écriture n'est autre qu'une rédaction de la dilatation de cet instant dans le temps : ici commencent les tourments, le sacrifices de nombreuses possibilités et la saveur déjà perceptible de l'échec. Le réel succès serait peut-être de reproduire cet instant chimérique qui a donné un sens à la rédaction, ce point de départ qui rend l'oeuvre possible mais qui par sa propre nature intemporelle condamne le résultat historique à l'échec.
Cette origine n'est pas l'œuvre accomplie. Cette progression à partir du point de départ se fait continuellement à tâtons, une évolution à l'aveuglette qui ne prend conscience de la distance parcourue qu'à posteriori. Le trajet, plus ou moins préétabli initialement, se transforme en un périple à travers mille dangereuses et infinies possibilités.
Mais jusqu'où mettre en péril « l'art véritable », jusqu'où se dévêtir de l'artisanat qui tranquillise et qui rassure ? Se libérer des règles n'est pas un « agir sans », c'est se libérer de règles imposées a priori et qui n'ont rien du vrai. Libérée de toutes ces structures inutiles, la pensée devient alors théâtre et l'œuvre dépasse les risques du vrai : tel est le chemin à entreprendre, telle est mon actuelle passion.
Nadir Vassena, programme du concert de la création, festival Voix Nouvelles 2000, Fondation Royaumont