« Il n'y aura pas d'angoisse, c'est en toute sérénité qu'elles chantent, dansent, font glisser la musique entre la parole et le geste, transmettent les odeurs, les inscrivent en relief dans l'espace, vibrent sous les mensonges, cherchent au sol des souvenirs que d'anciens danseurs ont laissés là avant eux du temps de l'esclavage. Ils animent d'un regard à l'autre l'énergie mentale. Elles sont de la pensée pure. » Christophe Donner — Les synapses émotionnelles.
A l'origine de ce trio à cordes, il y a le projet d'un opéra de chambre, le projet d'une rencontre entre divers arts, la danse, la littérature, la musique ; une nouvelle collaboration avec L. Saboye et C. Donner. Notre idée était de nous promener dans le cerveau, de toucher les connexions entre les sens. Que se passe-t-il à l'intérieur du cerveau au moment des émotions, des sentiments, des impulsions ? Que font les neurones, les synapses ? Que se passe -t-il quand l'impulsion électrique devient parole, vision, mouvement, pensée ? Le cerveau cristallise à lui tout seul un grand nombre de mes préoccupations : l'Instant, l'Intuition, les Sentiments, la Sensualité, les Perceptions.
Malheureusement, pour diverses raisons, ce projet n'a pu être réalisé. Dépité, j'ai quand même décidé de l'écrire, et ainsi, peu à peu, toutes mes pièces ultérieures, je les ai « détournées » pour qu'elles appartiennent à cet opéra devenu imaginaire. Des pièces comme Sounds in the grass pour six percussionnistes, Dérive ou quand je suis devenu fou pour violoncelle et électronique, Hear it growing pour grand orchestre, font partie de cet opéra imaginaire. Elles faisaient l'objet de diverses commandes et donc avaient diverses motivations, mais il y avait toujours la même idée dans ma tête, l'idée de cet opéra imaginaire. Chacune de ces pièces raconta à sa manière, cette idée de neurones et de synapses, d'énergies, de flux, de connections entre les sens.
Aujourd'hui, cette nouvelle pièce pour trio à cordes, Les Synapses émotionnelles, n'obéit qu'à cette seule règle, celle d'appartenir à cet opéra imaginaire, celle de parler encore et à nouveau de l'Instant, de l'angoisse terrible de la fuite de la pensée, du refus d'écrire entre des limites fixées à l'avance, celle de faire confiance à la seule pensée, imprévisible.
Cette pièce est dédiée à mes complices de toujours, Laurence et Christophe.
Marco-Antonio Perez-Ramirez, programme du concert de création, « Voix Nouvelles 2000 », abbaye de Royaumont