Dédié à Françoise Kubler et Armand Angster (l'ensemble Accroch'note) qui en ont assuré la création à la Villa Medici à Rome en Septembre 1989, Xanadu est écrit sur le célebre poème de Samuel Taylor Coleridge. L'idée m'en est venue alors que je commençais à travailler sur mon opéra Sorwell dont la première version du livret était une lointaine adaptation du Citizen Kane d'Orson Welles. Le texte de Coleridge est effectivement évoqué dans le début du film et, ayant renoncé à l'utiliser dans l'opéra, je décidais d'en réaliser une version très réduite car elle ne concerne que deux interprètes.
La gageure, pour moi, consistait justement à déséquilibrer le contenu du texte, un brin emphatique à mon goût, extrêmement chargé d'un symbolisme luxuriant, par un traitement musical assez raréfié. Non que l'écriture ne soit étrangère à toute virtuosité, bien au contraire, mais deux interprètes ne peuvent pas rivaliser en luxuriance avec un grand orchestre. Le résultat cherche plutôt à donner une allure de conte. La musique ne décrit pas les images véhiculées dans le poème mais accompagne plutôt le récit de la soprano qui semble raconter une histoire. La clarinette lui est, en quelque sorte, un double.
Philippe Manoury, Les Cahiers de l'Ircam, coll. Compositeurs d'Aujourd'hui n° 8, Paris, 1995.