Ligeti a écrit cette œuvre pour les solistes de la philharmonie de Stockholm, qui en sont les commanditaires. Le projet initial ne comportait que sept pièces : deux pièces conçues pour l'ensemble devaient encadrer cinq « micro-concertos » dédiés à chacun des cinq instruments. Mais Ligeti a ressenti la nécessité de contrebalancer ces cinq « concertos miniatures », vifs et virtuoses, par des textures plus calmes. L'œuvre définitive comprend donc dix pièces brèves, alternant des mouvements d'ensemble et des mouvements au sein desquels la clarinette, la flûte, le hautbois, le cor et le basson se voient successivement confier un rôle soliste.
L'architecture de l'œuvre ne repose pourtant pas uniquement sur ce principe d'alternance. La suite des pièces dessine en effet une progression régulière vers l'aigu : le flûtiste joue successivement la flûte alto, la flûte et le piccolo ; le hautboïste joue le cor anglais, le hautbois d'amour puis le hautbois. Cette ascension culmine à la neuvième pièce Soutenu, strident : les instruments échangent des tenues dans le suraigu, créant des sons différentiels que Ligeti a expressément recherchés.
De plus, le compositeur a élaboré un véritable répertoire de gestes musicaux, dont la répartition dans les divers mouvements est variable. Un principe de construction que Ligeti a qualifié de « forme kaléidoscopique » : « J'ai des pierres comme dans un kaléidoscope, des unités de mosaïque [...], et si vous bougez ce kaléidoscope, vous obtenez une autre configuration. »
La dernière pièce clôt l'œuvre par une conclusion inattendue : le basson interrompt brusquement son babil et fait longuement attendre le piccolo, avant de mettre un terme abrupt à la plaisanterie. Sous ce point final désinvolte, le compositeur a placé la citation suivante, de Lewis Carroll :
« ... mais » — Il y eut une longue pause. « C'est tout ? » demanda Alice timidement. « C'est tout », dit Humpty Dumpty. « Au revoir ».
Peter Szendy.