L'œuvre est une commande de l'Ensemble L'Itinéraire de Paris. Une commande française évoque certaines perspectives culturelles au cœur d'un compositeur anglais : un sens de la vie en couleur qui, au mieux, fait disparaître la dualité sujet-objet pour établir une union entre l'idée et la couleur et mêler le cinétique en un tout psychique. Une telle musique peut représenter une conscience idéale, détachée du pragy pradh – l'« erreur de l'intellect » où celui-ci fait la discrimination entre des objets avec une telle obsession qu'il en oublie qu'ils sont structurés dans la conscience. Le parallèle avec la peinture française est, lui aussi, évident. L'œuvre répond à ces perspectives culturelles, mais elle s'inspire plus de Turner que de Monet ou Cézanne. Dans le tableau de Turner, Valley of Aosta : Snowstorm, Avalanche and Thunderstorm 1836 (Vallée d'Aoste : tempête de neige, avalanche et orage), il y a absence de personnage ou d'objet discernable ; on assiste à une explosion d'énergie et de lumière diffractée. Comme lui, ma musique est un changement constant et n'a que peu de contours fermes. L'harmonie n'est pas établie par des lignes soutenues, mais par de brefs points sonores : elle est atomisée, pulvérisée, laissant filtrer la lumière. L'instrumentation utilise des couleurs voisines qui changent fréquemment : le saxophone établit un lien avec le registre supérieur de la trompette, le cor anglais avec le registre inférieur du saxophone ; les deux harpes (dont l'une est accordée 1/4 de ton plus haut que l'autre) établissent un lien avec les timbres « pincés » de deux synthétiseurs (dont l'un est également accordé 1/4 de ton plus haut que l'autre), et ainsi de suite. Trois séquences pilotées par ordinateur ont été réalisées pour les synthétiseurs. Dans la dernière de celles-ci, la succession rapide de sons fait tourbillonner des fragments de ce qui a précédé dans la pièce en une sorte d'écume qui fait définitivement disparaître toute espèce de forme distincte.
Jonathan Harvey.