Toccata del Mago est avant tout une pièce sur le rythme. A cet égard, je souhaitais étudier des domaines de pulsations perceptibles et non perceptibles ainsi que le mouvement allant de l'un à l'autre. Il existe une zone d'ambiguité entre pulsation et absence de pulsation, sorte de no man's land qui m'a toujours intéressé. J'ai tenté de rendre cette sorte de vertige que l'on ressent lorsque l'on perçoit une pulsation sans pouvoir en définir le rythme ni la mesure par rapport à un schéma bien précis ou un point de référence.
J'ai utilisé des rythmes symétriques et asymétriques afin de créer des phrases musicales avec ou sans pulsations ; je les ai faits passer d'un mode à l'autre, progressivement, puis les ai combinés et juxtaposés en une structure polyphonique complexe. Ailleurs, j'ai répété de façon obsessionnelle un court fragment de rythme chaotique : de cette répétition naît l'idée de pulsation. Or, ce qui est répété conserve sa qualité d'origine, son aspect chaotique, asymétrique d'où la pulsation est absente. Cette pulsation d'une séquence sonore ou objet sonore qui n'a pas de pulsation est une caractéristique de la musique concrète. J'ai plusieurs fois emprunté cette idée que l'on retrouve sur la bande pour ordinateur et dans les parties instrumentales.
J'ai également exploré cette relation souvent paradoxale entre rythmes rationnels et irrationnels, ces derniers étant considérés comme dégageant une pulsation relativement simple tant qu'ils ne sont pas mis en relation avec les premiers. La bande, ainsi que les instruments sont les points de référence de l'un par rapport aux autres (et inversement). La nature du rythme joué par l'un ne peut être perçue et ressentie qu'en relation au rythme de l'autre.
Au plan harmonique, la pièce est assez simple et se compose de deux accords principaux ou champs harmoniques. Une séquence de type chorale en découle, de même que deux cellules mélodiques fondamentales. Il n'y a pas de mélodies en tant que telles bien qu'on entende très bien ces deux cellules mélodiques qui se développent de façon mélismatique comme dans certaines musiques traditionnelles asiatiques.
Ceci ne rend jamais compte du développement mélodique — au sens traditionnel. Pourtant, le dévoilement de ces cellules apporte quelque chose au rythme et à la forme de la pièce qu'il conditionne. La bande a été élaborée à l'aide de deux synthétiseurs Yamaha TX 816 FM et d'un échantillonneur AKAI S900 piloté par un Macintosh sur logiciel séquenceur « Performer ».
Alejandro Vinao, programme de la création française, 12 mars 1998, Centre G. Pompidou