La pièce se développe à partir de deux courtes phrases rythmiques. Dans la manière d’un Fortspinnung [développement] baroque, tous les matériaux ultérieurs en découlent. Mon projet initial était de créer des objets changeant en permanence de dimension, de comportement, de caractéristiques, des phrases constamment augmentées, déformées, infléchies, mais dont les unités demeurent reconnaissables.
Au cours du processus d’écriture, j’ai découvert que je pouvais soudain, après une certaine durée de densité complexe, parvenir à la simple beauté d’une couleur sonore considérée individuellement.
Il y a dans cette pièce, me semble-t-il, une dualité entre des sections « composées », dans lesquelles les instruments servent à dépeindre des éléments musicaux tels que les rythmes, les figures, les formes, et des passages dans lesquels les couleurs instrumentales individuelles elles-mêmes deviennent le contenu principal de la pièce et acquièrent une qualité plus iconique.
J’ai ainsi été conduit à l’idée de severed gardens. En termes imagés : après un chemin à travers des buissons pleins d’épines, s’ouvrent de petits espaces dégagés qui délivrent au visiteur leur beauté secrète et étrange. Au cours du voyage, ces espaces dégagés prennent de l’ampleur et le secret se fait plus précis.
Mais comme je n’aime pas assigner un sens direct à la musique, voici une autre métaphore : on peut l’entendre comme la biographie sonore d’un « être musical » plongeant dans la vie tête baissée, avide de risques, et qui par la suite s’interroge, mûrit, vieillit et meurt.
En ce qui concerne la dédicace, la pièce a été créée en Allemagne lors d’une master-class destinée à des compositeurs et chefs d’orchestre. Après de nombreuses critiques de la part des chefs à propos des changements de métrique passablement exigeants et des subdivisions qualifiées de « démentes », Peter Eötvös est venu assister à la répétition pour la première fois. À la fin de la pièce il s’est tourné vers moi et m’a dit : « chapeau ». Par la suite, je lui ai dédié cette pièce afin de lui retourner ce « chapeau ».
Genoel Von Lilienstern.