Face à une formation instrumentale tellement surchargée d'histoire, abondante dans ses connotations individuelles et stylistiques — de Haydn et Mozart, de Beethoven et Schubert jusqu'à Brahms, aux trois Viennois et à Bartók... — survient aujourd'hui une impression de presque « extemporanéité » dès lors qu'on accepte de composer pour quatuor à cordes.
Le compositeur peut assumer toute ou partie de l'histoire et de la tradition qui le précèdent ou, au contraire, les refuser dans un accès de nihilisme (par acte singulier ou doctrine esthétique), essayant de faire table rase. Les deux postures incarnent par ailleurs une opposition de base qui articule toute une partie fondamentale de la musique européenne au sein de la deuxième moitié du XXe siècle : opposition entre continuité historique et rupture, entre l'acceptation d'une pensée ancestrale qu'il faut renouveler ou réinventer, et la négation aprioritique d'une telle pensée.
Dans les deux cas, que ce soit par la voie d'une continuité (dans laquelle, personnellement, je me situe) ou par la nécessité d'une rupture, face à une formation instrumentale tellement surchargée d'histoire, abondante dans ses connotations individuelles et stylistiques, même en acceptant le poids d'une tradition, il me semble fondamental de la reformuler autant que possible, de chercher obstinément de nouvelles formes d'écriture, de nouvelles logiques de répartition et de conjugaison entre les 4 instruments sur scène ; il faut à chaque fois tenter de réinventer le Quatuor — sans une telle utopie en tant que limite, comment supporter le poids de tant de paradigmes ? ...
Pedro Amaral.