L'Arménie est un extraordinaire vivier d'instrumentistes et de chanteurs pour le répertoire classique. C'est aussi un pays où la musique traditionnelle est particulièrement développée et touchante. L'instrument emblématique de ce répertoire populaire est le doudouk, instrument à anche double, comme le hautbois, mais dont le timbre envoûtant se rapproche plus de celui du violoncelle. La transition du son au souffle, les inflexions permettant de passer d'une note à une autre (en usant de la micro-tonalité) sont autant d'éléments timbriques singuliers. De même, la musique pour doudouk peut être à la fois rythmique (une partie du répertoire arménien repose sur des procédés d'ostinati) et très lyrique.
Au moment d'écrire une œuvre pour flûte destinée au concours de l'ARD, j'ai pensé qu'il pouvait être intéressant de « pervertir » cet instrument occidental en tentant, par l'utilisation de techniques spécifiques, de lui donner une couleur arménienne. En outre, j'ai puisé dans le répertoire de ce pays quelques idées musicales (en m'inspirant notamment du jeu du grand virtuose Araïk Bartikian). Ces Quatre mélodies ne sont aucunement une transcription de pièces arméniennes, car le langage n'est pas modal, par exemple. Mais elles sont une interprétation occidentale et contemporaine d'une matière musicale traditionnelle dont la richesse est infinie.
Bruno Mantovani.