<p>Les <em>Fantazias</em> de Henry Purcell, comme <em>Die Kunst der Fuge</em> ou les <em>Cinq fugues</em> (elles aussi en <em>ré</em> mineur) de d’Anglebert font partie du genre bien particulier des « collections » de morceaux fugués. Écrites par un jeune compositeur d’une vingtaine d’années, ces fantaisies pour violes représentent une spectaculaire démonstration de virtuosité contrapuntique et « affective » (au sens des affetti rhétoriques).</p><p>La transcription est un genre particulièrement multiforme. En l’espèce, c’est à travers un travail de <em>décomposition-recomposition</em> que je voudrais faire entendre ces fantaisies, sous un jour entièrement nouveau : recomposition, ou plutôt composition à part entière de leur ordonnancement, tant il est vrai que ce genre de recueil est rétif à toute organisation définitive (il n’est même pas bien sûr que les pièces doivent être jouées <em>en entier</em>) ; recomposition de chaque fantaisie, et de chacun de ses épisodes, comme autant de <em>lieux</em> musicaux soumis à des perspectives expressives, à des stratégies de remémoration constamment renouvelées.</p><p>Comme toujours, des préoccupations personnelles viennent nourrir le travail d’interprétation propre à la transcription. Le développement chez moi du « chant non vocalique », qui peut, je l’ai montré à plusieurs reprises, très bien s’appliquer à la musique instrumentale, et surtout la tentative de pouvoir penser et écrire la musique sans esquisses constituent, pour l’un, le socle de la transcription en tant que démontage de la décomposition systématique des phénomènes originaux de l’écriture de Purcell pour en faire émerger la face cachée, pour l’autre, une résonance historique, une manière de fraternité distante quant à la nécessité ressentie d’inventer la musique en permanence, ou plutôt d’inventer les conditions permettant à la musique de se développer à travers ses propres inclinations.</p><p><em>Fantazia upon one note</em> : l’une des nombreuses émanations des « pièces avec contrainte imposée », à l’instar de la <em>Fantasie sur do ré mi fa sol la</em> de Froberger, par exemple. Dans cette pièce, la deuxième voie ne joue qu’un <em>do</em> central, tenu sans discontinuer. Et pourtant, l’écriture si inventive de Purcell nous fait oublier cette contrainte. Mais chacun a probablement (du moins je l’espère) sa propre histoire quant à cet ou ces oubli(s) ; subjectivement, ce sont mes propres expériences d’écoute vis-à-vis de ce <em>do</em> que je voulais « instrumenter » dans mon « écoute composée » de la <em>Fantazia upon one note</em>.</p><p><em>Brice Pauset.</em><br /></p>