La Passacaille pour Tokyo pour piano et dix-sept instruments se veut le prolongement d’une collaboration fructueuse entre Philippe Manoury et son ami pianiste-compositeur Ichiro Nodaïra, le créateur, cinq ans auparavant, de Pluton pour piano et système de transformation du son en temps réel (1988-1989). Dans cette œuvre déjà, mais aussi dans Neptune pour quatre percussions et ordinateur 4X de 1991, Manoury revisite le genre ancien de la passacaille dont l’intérêt réside pour lui dans la combinaison de deux dimensions contradictoires, « une structure de base qui ne varie jamais avec un discours qui est en continuelle évolution ».
C’est en pensant à Nodaïra que Manoury a imaginé la partie de piano soliste, ce qui en explique l’immense difficulté. Dans cette œuvre pourtant, le piano n’a pas un rôle concertant au sens romantique du terme : l’orchestre prolonge les gestes du soliste davantage qu’il ne s‘oppose à lui. Un second piano lui répond depuis les coulisses faisant office « d’ombre du soliste », selon l’expression du compositeur, dont il ne garde qu’un vague contour de l’écriture extrêmement travaillée. C’est un souvenir des années de jeunesse, lorsque Manoury passait devant les classes de danse à l’acoustique très réverbérée de la Salle Pleyel, et n’entendait que le halo des pianos qui y jouaient.
En fait, la partition obéit à une construction en miroir autour d’une note centrale. Ainsi, le motif de base de la passacaille présenté en parfaite symétrie par rapport à cette note se trouve progressivement projeté dans des miroirs de plus en plus déformants au cours de ses multiples transformations : « Il y a une mise en abîme qui répercute en de multiples images un dessin initial. » (Philippe Manoury)
Eurydice Jousse.