Lorsque j'ai intégré le Cursus de composition et d'informatique musicale en octobre dernier sous la double identité de compositeur et d'interprète percussionniste, j'ai très vite souhaité profiter de l'occasion pour réaliser cette pièce pour percussion et dispositif électronique. J'ai choisi la percussion parce qu'elle signifie inventer, préparer, fabriquer, modeler, donner vie, conduire, et laisser mourir des sons que l'on a envie d'entendre. Quant à l'informatique musicale, ma préférence s'est portée sur les systèmes en temps réel, qui, comme les instruments acoustiques, présentent des imperfections. De tout cela résulte une confrontation, un dialogue, une dispute, une étreinte entre le programme FTS, outil de temps réel développé à l'Ircam, et le zarb, instrument de percussion digital créé il y a plusieurs siècles selon la tradition iranienne accordant une grande importance aux notions de « fabrication » sonore.
Au début du travail de composition, j'ai posé comme hypothèse la confrontation permanente de l'instrument et du programme informatique. Il est alors apparu une sorte de double instrumentarium acoustique et virtuel, une sorte de Cyber-Zarb de culture ancestrale. Au départ, nous n'avions qu'une source sonore, celle du zarb ; puis au fur et à mesure, les paramètres se sont clarifiés et une base de données de sons a été établie pour permettre au « compositeur » de commencer son travail. Très souvent, une pièce pour percussion seule se définit par un travail sur le rythme ou la mélodie. Ici, le projet compositionnel est fondé sur l'étude harmonique de l'instrument. Après analyse des caractéristiques propres à chaque traitement, j'ai tenté de recréer les transformations qu'elles opèrent sur le zarb en lui appliquant en temps réel les enveloppes spectrales de chaque zone de jeu instrumental. Ces informations ont permis de régir pour une grande part divers paramètres tels que l'harmonie et les cellules rythmiques et mélodiques, à l'origine de polyrythmies et de polyphonies.
À partir de cette étape, nous étions quatre (le zarb, FTS, le compositeur et l'interprète). L'interprète joue du zarb assis en tailleur, position ne lui permettant pas de déclencher des « événements sonores » par l'intermédiaire d'une pédale Midi. L'Ircam a alors mis au point deux outils rendant possible l'interactivité nécessaire entre l'instrumentiste et l'ordinateur : un déclencheur placé sur l'instrument et actionné par le pouce, et un potentiomètre tactile également manipulé par le pouce pour la gestion des délais en temps réel.
OROC.PAT est inspirée d'un conte traditionnel persan qui interroge sur « l'autre » ou son double. OROC est l'abréviation de : Orient-Occident, thème représentatif de la « dramaturgie » musicale de cette pièce.
Roland Auzet.