Mémoire de vague marque pour Denis Cohen un retour à la forme chambriste purement instrumentale, après une longue période dominée par la voix et l'orchestre, aboutissant à l'opéra. La formation très inusitée de ce quintette met en présence un bois (la clarinette), deux cuivres et deux cordes. L'alto joue un rôle prépondérant tout au long de la pièce. La fonction de polariser le discours sur une voix soliste est une constante dans les œuvres plus récentes de Denis Cohen, notamment dans les Neuf cercles d'Alighieri pour soprano et orchestre ; le soliste est médiateur entre la complexité compositionnelle et l'écoute immédiate.
Bien qu'étant écrite en une coulée d'une vingtaine de minutes la pièce comporte trois moments principaux.
La première partie, plus développée, est marquée par l'alternance de textures souples et mouvantes de l'ensemble et d'inserts solistes de l'alto, traits d'une grande vélocité, à la limite du possible, pulsés par les accents des vents et de la contrebasse. Le principe d'alternance se retrouve dans les constants changements de tempo.
Des accords réguliers propulsent l'œuvre dans sa deuxième phase. Une polyphonie bruissante de notes répétées crée un dépaysement sonore. L'écriture progresse alors vers une scission en deux groupes homorythmiques ; ce dispositif nouveau cède peu à peu devant le retour des percées du soliste. Le gel des autres instruments sur un accord permet l'essor d'une cadence de l'alto.
La troisième phase se caractérise par un traitement plus global. L'alto, toutefois, s'individualise encore par ses figurations propres, tandis que le reste du quintette se souvient des formulations qui ont jalonné la pièce depuis son commencement. L'écriture se densifie, puis se réduit en intensité laissant l'espace aux phrases lyriques de l'alto en sourdine. L'œuvre s'apaise finalement dans la douceur.
Dans Mémoire de vague, Denis Cohen se montre toujours résolument attaché à une écriture extrêmement travaillée. Il explore en profondeur les combinaisons de rythmes, figures mélodiques et les mutations de timbres, usant dans ce foisonnement sonore des variations de mode de jeu (trémolos, glissandi, harmoniques etc.) et des changements de sourdines des cuivres.Les instruments sont sollicités sur l'étendue de leur registre et particulièrement dans l'aigu. Comme dans nombre de ses partitions, Denis Cohen joue sur une perception directionnelle « où la prévisibilité demeure possible ». Les retours par vagues de l'alto sont vecteurs de cette perception et les formules rythmico-mélodiques récurrentes irriguent le flux musical jouant sur la mémoire et l'instant.