Le Livre de Jeb ne fait pas directement référence à l'Ancien Testament, comme son titre pourrait le laisser imaginer ! Il est un portrait de son dédicataire, le pianiste Jean-Efflam Bavouzet, dont les initiales sont à la base du jeu de mots faisant référence à la figure mythique de la région de l'Euphrate. La longue complicité qui me lie à ce merveilleux virtuose est à la fois musicale et amicale. Ce sont d'ailleurs ces deux aspects de notre relation qui nourrissent ici mon inspiration : sur le plan musical, de nombreux éléments m'ont été suggérés par quelques caractéristiques du jeu de Jean-Efflam. Son passé de percussionniste est notamment présent ici dans une section centrale où l'alternance entre les deux mains permet de faire émerger des figures rythmiques complexes. À l'opposé, sa merveilleuse sonorité perlée qu'il met notamment au service de Debussy m'a donné envie de jouer à plusieurs reprises sur des textures aigues, très vivaces et aériennes. Mais l'influence exercée par Jean-Efflam sur l'écriture de la partition est aussi liée à notre amitié et au chemin que nous parcourons ensemble depuis quelques années. Lors d'un concert où il jouait mon quintette avec piano Blue girl with red wagon, mon camarade me disait combien son épouse Andrea et lui-même étaient passionnés par un accord qui était énoncé dans les premières mesures de cette œuvre. En souvenir de cette réaction émotionnelle forte, j'ai décidé de réutiliser cet accord dans le début du Livre de Jeb, accord qui aura une fonction formelle importante puisqu'il sera récurrent dans l'œuvre. La matière musicale n'est aucunement abstraite ici, les différentes problématiques musicales étant toutes au service de cet hommage à un grand pianiste de notre temps, et à un ami fidèle et généreux.
Bruno Mantovani, éditions Lemoine.