Karlheinz Stockhausen a ainsi résumé son travail de composition : « Dans le Klavierstück X, j'ai essayé de trouver un moyen terme entre désordre et ordre (relatifs). À l'aide d'une gamme d'ordre et de désordre, j'ai donc composé des structures en degrés divers. Les degrés d'ordre supérieurs se distinguent par une plus grande précision (aucun caractère fortuit n'intervient), les degrés d'ordre inférieurs par un plus grand aplanissement des différences (de plus en plus interchangeables, de moins en moins dissécables à l'audition). Un ordre plus grand est lié à une densité moins grande et à un isolement plus marqué des événements. Au cours de la pièce, des extrêmes sont atteints : des structures se cristallisent en formules individuelles, qui n'apparaissent qu'une seule fois (degré de plus grand ordre), d'autres structures se nivellent en complexes. Au cours de ce processus de médiation entre l'ordre et l'absence d'ordre, des figures progressivement plus nombreuses et plus concentrées se développent à partir d'un stade homogène de grand désordre (équilibre). J'ai atteint un déséquilibre croissant en dépassant toujours plus l'isolement des figures et en unissant les figures les plus personnelles, épanouies au cours de la pièce, en une figure supérieure qui les domine. »
Dans le Klavierstück X, précise le pianiste Herbert Henck, le taux d'informations sonores évolue sur une échelle allant d'une simple résonance spectrale jusqu'à un maximum de vitesse et de densité. Pour parvenir à ce taux maximal d'informations, Stockhausen a développé une technique pianistique originale, le glissando de clusters, que l'instrumentiste, qui porte des mitaines en coton, effectue en faisant glisser ses mains sur les touches blanches et noires du piano tout en appuyant sur la pédale. Cette technique permet de produire une densité inhabituelle et un « balayage » de sons facilement exécutable.
Guy Lelong.