Voici une partition qui traite de transformation, avec l’idée de considérer une même situation sous différents angles de vue, comme un jeu de miroirs dans lequel chaque objet change de forme et de représentations spatiales.
Arrêtons-nous un instant sur les mots du compositeur : « Immagini da Escher suit Ali di cantor pour grand ensemble spatialisé et Arcipelago Möbius. [...] Escher a largement recours aux formes géométriques de Möbius (et notamment son fameux « ruban ») pour créer des images multidimensionnelles paradoxales, où les concepts de début et de fin semblent n’avoir plus aucune pertinence spatiale, mais apparaissent, au contraire, inhérents à la dimension temporelle. Précurseur de l’art fractal à bien des égards, Escher crée des images méta-géométriques où le « macroscopique » se reflète bien souvent dans le « microscopique », tout comme le détail est souvent le miroir du tout. De ces prémisses, la composition, née comme un vernis de Arcipelago Möbius, tire de riches et abondantes images suggestives pour l’imagination, où la sémantique du géométrico-figuratif est transposée dans la dimension esthético-poétique du sonore, transposition tant de son « ADN » que de son organisation structurelle à grande échelle. »
Le matériau qui sert de base à Immagini da Escher est, en réalité, le même que celui d’Arcipelago Möbius. Mais ses molécules sont démultipliées dans un jeu infini de réflexions et de réfractions. De même, sa structure externe est bouleversée et traversée par de nouveaux chemins étroitement entrelacés et entrecroisés par rapport à l’original. Cela revient à dire que, avec Escher, le monde peut être lu dans tous le sens et que la logique relationnelle de cause à effet peut à tout moment se retourner.
La première étape dans un tel processus est l’élargissement de l’ensemble d’Arcipelago Möbius, passant du quatuor – lequel consistait d’une clarinette, d’un violon, d’un violoncelle et d’une contrebasse – au sextuor. Un sextuor au sein duquel on peut identifier trois duos qui fonctionnent en combinaison : les deux instruments à vent (flûte et clarinette), les deux instruments à cordes (violon et violoncelle) et les deux instruments résonants (piano et vibraphone). Tout en gardant virtuellement intacte l’écriture pour les trois instruments communs aux deux effectifs, Fedele étend l’espace sonore vers l’aigu avec la flûte et vers le grave avec les deux claviers. Selon les mots du compositeur, « leurs fusions et leurs désintégrations donnent naissance à une dialectique de la composition en constant développement, laquelle est en réalité vue non comme ayant un début et une fin, mais bien plutôt comme une série d’instantanés saisis au cœur d’un flux continu vers lequel le compositeur se penche périodiquement ».
La structure globale se divise en sept sections qui s’enchaînent l’une après l’autre, sans aucune interruption psycho-perceptible, et réorganise le motif d’îles formelles d’Arcipelago Möbius. La nouvelle série est la suivante : Scintillante!, Calmo con increspature..., Tracce fulminee... (beaucoup plus rapide que la première version), Arc-en-ciel (une métamorphose extraordinaire du solo de violoncelle en un merveilleux trio avec violon et clarinette), Tracce nell’aria come solchi abissali..., Cadenzando..., Vulcanico !.
Suvini Zerboni, programme ManiFeste-2015 (tr: J. S.).