Les hymnes nationaux sont la musique la plus connue que l’on puisse imaginer. Tout le monde connaît l’hymne de son pays et peut-être encore quelques autres, du moins leurs débuts. Si l’on intègre de la musique connue dans une composition de musique inconnue et nouvelle, on entend particulièrement bien de quelle manière elle a été intégrée: non transformée, plus ou moins transformée, transposée, modulée, etc. Plus le quoi va de soi, plus on est attentif au comment. En plus des hymnes nationaux, d’autres « objets trouvés » ont été utilisés – bribes de paroles, bruits de foule, conversations enregistrées, événements provenant de récepteurs à ondes courtes, enregistrements de réunions publiques, manifestations, etc. Des interactions multilaté- rales sont réalisées parmi les différents hymnes, ainsi qu’entre ces hymnes et de nouvelles formes sonores abstraites pour lesquelles nous n’avons pas de nom. L’assemblage de l’enregistrement transformé par électronique et de l’interpréta- tion de l’orchestre symphonique conduit à une véritable explosion de la sonorité orchestrale. Hymnen existe en trois versions. La première, intitulée Hymnen, musique électronique et concrète (1966-1967), se présente sous la forme d’une bande quatre pistes (durée: 114 minutes). Cette première version est segmentée en quatre «régions», chacune d’elle se répartissant entre un ou plusieurs « centres » dominés par des hymnes propres. La deuxième version a pour titre : Hymnen, musique électronique et concrète avec solistes (environ 126 minutes). Cet Hymnen, musique électronique avec orchestre est la troi- sième version et peut être interprétée de façon indépendante. Elle commence dans la Deuxième région avec le «centre» consacré aux hymnes africains, mêlé et en alternance avec le début de l’hymne russe, suivi par le Pont russe (un solo d’orchestre), d’une durée d’environ neuf minutes, qui mène à la Troisième région. La Troisième région a trois « centres ». Elle commence avec la suite de l’hymne russe, lent et cette fois-ci non mélangé ; c’est le seul hymne entièrement réalisé avec des sonorités électroniques et dans lequel on trouve l’expansion harmonique et rythmique la plus grande que j’aie composée jusqu’en 1966. Suit l’hymne américain, qui forme un deuxième «centre» et qui entretient – à travers des collages furtifs et des mixtures pluralistes – les rapports les plus variés avec tous les autres hymnes. Les derniers sons d’ondes courtes laissent entendre «in a few seconds across the ocean » et débouchent sur le « centre » exalté de l’hymne espagnol.
D’après Karlheinz Stockhausen (texte de présentation de la partition, © Stockhausen Verlag)