« L’invention, énonçait Donatoni en 1985, c’est la capacité de voir une chose comme elle pourrait être autrement ; non pas en rêve (comme s’il existait un monde intérieur), mais en étant capable de réaliser un second geste différent du précédent. » Comme plus tard dans Sweet Basil-Big Band (1993), le point de départ de Hot, c’est le jazz ; le point d’arrivée de l’œuvre étant la capacité de Donatoni à appréhender et à fixer « autrement » cette pratique instrumentale improvisée. Ainsi, par le filtre de l’imaginaire, le compositeur transpose dans sa propre écriture une somme de gestes stylisés.
Du jazz, il garde tout d’abord le médium instrumental, comme en témoigne le trio qui ouvre la pièce (piano, contrebasse en pizzicati et percussion) dans une écriture pulsée à base de contretemps en complémentarité rythmique. La première intervention des cuivres (trompette et trombone), sur des plages harmoniques plus longues, a valeur de coloration plus que de rythme. En contrepoint au saxophoniste, chacun des instruments triendra successivement la partie soliste (notamment la clarinette, le piano, le marimba, les bongos et le vibraphone).
Du jazz, Donatoni conserve également l’idée d’une virtuosité omniprésente — virtuosité instrumentale et virtuosité de l’écriture — qui conditionne l’œuvre pendant près d’un quart d’heure. Dans une mécanique de pulsation obstinée, le matériau (à base de micro-organismes non thématiques) engendre ses propres figures, ses propres gestes, incessamment renouvelés. Associées à des glissements presque imperceptibles des procédés d’écriture, ces transformations cellulaires perpétuelles reconstruisent l’effet de l’improvisation propre au jazz.
Corinne Schneider.