Nous avons perdu la compilation musicale que Benjamin Christensen avait choisie pour la première présentation du film à Stockholm en septembre 1922. Nous savons néanmoins que des pièces de Schubert, Gluck et Beethoven avaient été sélectionnées pour la projection en novembre de la même année. Les morceaux choisis n’avaient aucun lien profond avec le film, leur fonction étant simplement de souligner sa division en chapitres avec différentes atmosphères. Häxan se découpe en plusieurs volets qui se succèdent d’une façon quasi-musicale. C’est cette scansion ainsi que la dramaturgie du film qui ont été utilisées pour générer la nouvelle partition. Ainsi, quelle que soit l’échelle temporelle ou historique, à la plupart des changements de plan ou de sujet correspond un nouvel événement. La forme ainsi décidée crée une relation synesthésique plus ou moins évidente en fonction des décisions musicales. L’aspect complètement artificiel du film tourné en studio est souligné par une esthétique sonore plutôt « aseptisée ». De même que l’image transite entre fiction et documentaire, la musique comporte une collection de sons énumératifs automatiquement choisis en fonction de leurs caractéristiques sonores et de leurs significations. Elle se transforme par le développement de milliers de sons (synthèse, échantillons instrumentaux, clins d’oeil au « Gothic Metal », ainsi qu’à des sons concrets dont la synchronicité avec l’image laisseraient à penser parfois qu’il s’agit de bruitage) qui se situent entre signifiants ou signifiés, aux frontières entre le concret et l'abstraction.
Mauro Lanza et Olivier Pasquet.