Fables asséchées est une pièce pour ensemble de dix musiciens et électronique qui s’inscrit dans une réflexion sur le réseau aujourd’hui.
Dans nos sociétés mondialisées, où les informations circulent en abolissant certaines frontières spatiales et temporelles, je m’intéresse beaucoup aux liens et autres connections possibles ou improbables entre des éléments hétérogènes. Le projet consiste donc à l’écriture d’une pièce basée sur l’élaboration d’un réseau d’objets musicaux de natures extrêmement différentes, incluant sons concrets, O.E.M. (objets esthétiquement modifiés provenant de musiques rock, classique, baroque, de troubadours, etc.), ainsi que des objets « hybrides ».
Ces derniers font l’objet d’un travail électronique particulier, qui sera généré en temps réel durant l’exécution de l’œuvre - il s’agit, par exemple d’associer un son vocal préenregistré au geste instrumental du violon. Deux autres instruments font l’objet de traitements. La clarinette devient ainsi un « instrument augmenté », qui se voit associer souffles, sifflements et bisbigliando d’une harpe virtuelle. Le traitement du trombone consiste en l’élaboration d’une synthèse concaténative en temps réel, à partir des enregistrements sources des O.E.M.
Au niveau métaphorique, Fables asséchées s’inspire du roman La cristallisation secrète de Yoko Ogawa. Dans ce roman, la narratrice vit sur une île étrange, coupée du monde, dans laquelle les objets disparaissent progressivement, physiquement puis mentalement de la mémoire des habitants. Cela commence par la disparition des oiseaux, puis des romans, puis des mots et plus encore... Ainsi, la déstructuration progressive du réseau est au centre du projet musical, avec, par exemple, une utilisation des O.E.M. évoluant de la citation référencée (notamment avec le traitement électronique du trombone) à sa déformation complète. Formellement composée de sept petits mouvements séparés par des « marées électroniques », Fables asséchées repose en partie sur le principe structurel de ma pièce Flaques de Miettes 2008), où chaque mouvement débute sur la fin du précédent en le poursuivant dans une direction différente comme autant de tentatives unificatrices fuyantes vouées à leurs propres disparitions.
Aurélien Dumont.