C'est en s'inspirant du beau livre de vers de Madame Claude Ardent, intitulé Entre, que Philippe Fénelon a écrit cette œuvre pour soprano, deux cors et orchestre à cordes. En s'inspirant seulement, car il n'a pas vraiment mis en musique un ou plusieurs poèmes de Madame Claude Ardent. Il a choisi, ici et là, soit un, soit deux vers, soit quelques mots, soit même des assemblages de mots dont il n'a retenu que l'image initiale ou l'idée-clef. Seule, la sixième pièce : Vivre cet à présent de nuit, chante une strophe entière, et respecte ce bel alexandrin : « d'un soleil à l'envers dont remonte le rose… » La dixème pièce, cite à la fois le premier poème, la préface, et l'explication du titre (en supprimant quelques mots, seulement suggérés…).
Ces libertés avec le poème ne seraient pas suffisantes en elles-mêmes pour créer une œuvre originale. Déjà, la prosodie et le traitement de la voix de soprano frappent davatange. Mais ce qui convainc l'auditeur : c'est d'abord l'écriture très fouillée (mêlée de pizzi, de glissandi, de sons harmoniques) de l'orchestre à cordes, la façon très personnelle dont les deux cors mélangent leurs rythmes à cet ensemble, en le colorant, le réchauffant, le dramatisant – c'est ensuite l'emploi de l'aléatoire. Un aléatoire vraiment assimilé, comme par exemple dans la septième pièce, où chaque instrumentiste choisit dans un certain nombre de cellules à enchaîner librement dans différents ordres, pendant que la cantatrice dirige le mouvement général par des points d'orgue dans l'aigu…
Il faut remercier Philippe Fénélon d'avoir œuvré moderne, sur des poèmes modernes, en retrouvant l'atmosphère et l'émotion du texte proposé.
Olivier Messiaen, 1977, programme de la création.