<p>Ce deuxième concerto de chambre constitue le « mouvement lent » d’un portrait en trois partie de Mahmoud Darwich. Comme le premier concerto (et le troisième à venir), il ne fait intervenir aucun texte parlé ou chanté, bien que la partition porte, ça et là, quelques repères tirés de l’œuvre du grand poète palestinien.</p><p>Écrit pour percussion principale accompagnée des membres du Freiburger Barockorchester, il pose doublement la question de l’écriture concertante dans un contexte de dialogue presque impossible, et de l’empreinte culturelle propre à certains instrumentariums : un ensemble constitué d’héritages organologiques du XVIIe siècle est-il plus « civilisé » que les instruments de percussion traditionnellement dévolus à la représentation des forces indomptées ? Quels phénomènes d’identification peuvent habiter les auditeurs d’aujourd’hui et quelle est la portée, au sein de l’écoute, d’une telle identification culturelle et politique ?</p><p>Rameau, en son temps, avait déjà traité ces questions, en particulier dans ses <em>Indes galantes</em>, aidé par un contexte intellectuel propice et courageux : nous sommes tous les « sauvages » d’autrui et seule la discussion (et pas seulement le dialogue) permet de comprendre en quoi cette sauvagerie peut constituer un corollaire, parmi d’autres, de ce qu’on nomme très généralement « culture ».</p><p>De même, les hiérarchies sous-jacentes que chaque auditeur porte en soi, comme citoyen écoutant de préférence ce qu’on lui a appris à écouter, sont vite malmenées dans ce concerto : les beaux instruments marquetés de notre victorieux âge baroque se révèlent vite porteur de sombres présages, tandis que la percussion se dévoile, <em>in fine</em>, prometteuse de puretés inattendues : la culture est différenciation.</p><p><em>Brice Pauset, février 2005.</em><br /></p>