J'ai découvert ce texte de Kafka dans le film Nick's movie de Nicolas Ray et de Wim Wenders. On assiste à l'agonie du réalisateur d'Easy rider atteint d'un cancer en phase terminale. Environ une semaine avant sa mort, on voit Nicolas Ray dans un théâtre mettre en scène ce monologue. C'est peut-être l'un de ses derniers contacts avec la culture et cela m'avait profondément frappé face la teneur surréaliste du texte qui s'en voyait décupler.
Cette nouvelle est le discours d'un homme face à une assemblée de spécialistes. Ce dernier explique qu'il était singe (gorille), a été capturé dans sa forêt, blessé par deux balles de fusil. En route vers la civilisation, dans sa cage sur le bateau, il s'associe aux joutes alcooliques des matelots et comprend que sa seule façon de s'en sortir c'est de devenir un homme… Kafka a écrit ce texte la veille de son mariage.
Pour en venir à la musique, notre homme singe est figuré par le trombone. Au début l'instrument s'exprime à l'instar de la parole humaine et par une sorte de flash-back nous le retrouvons dans les contextes sonores de la forêt vierge. Nous assistons alors à sa capture épique pour finir par ses pleurs parce que bien que notre héros devienne dans sa nouvelle vie une vedette de music-hall il n'en est pas moins seul pour autant.
Pour la première fois dans mon travail de compositeur j'ai fait appel à des enregistrements de la nature que j'ai cherchés à transcrire de façon littérale par les instruments avec toutes les limites acoustiques que cela implique. Pendant le deuxième tiers de la pièce nous écoutons des singes ou plus précisément une interprétation humaine des singes. C'est également un dialogue avec l'ordinateur qui par ses analyses puissantes nous aide à percevoir avec une très grande précision ce qui se passe dans un son.
L'écriture de cette pièce a été une tension constante entre l'obsession de l'analyse, de la transcription du réel face à use imagination plus rebelle où l'on peut écrire ce que l'on veut.
Reste alors le mystère du rapport avec la danse, échos de notre animalité ?
Sébastien Gaxie.