Berceuses et des poussières est une œuvre qui met en regard deux univers musicaux que tout semble opposer. Le premier, caractérisé principalement par la partie instrumentale, explore un matériau musical proche de l'objet « trouvé » comme certains bruits de gorge ou de bouche fermée avec des orchestrations assez bruitistes. Le second, présent sur le support électronique, met en jeu des sonorités à la fois mélodiques et teintées de nostalgie. Le rapport au langage est donc en quelque sorte inversé ici - les « poussières » et autres résidus sonores aux instruments, la « berceuse » à l'électronique. En fait, l'origine de ces deux univers est la même, à savoir le premier mouvement du 3e Concerto pour piano et orchestre de Beethoven. Berceuse et des poussières continue ainsi d'explorer les interactions entre des objets musicaux résolument contemporains avec ce que j'appelle les O.E.M. (Objets Esthétiquement Modifiés), en analogie aux O.G.M. Les O.E.M. sont des fragments musicaux issus de la littérature classique ou traditionnelle. Ces fragments sont, un peu à l’instar des manipulations génétiques, d’abord prélevés, décontextualisés, modifiés esthétiquement, puis confrontés à un nouvel environnement musical. Dans le cas présent, certaines manipulations ont consisté à un travail sur le tempo. Ainsi, les sons fixés sur support consistent en une resynthèse d'un court extrait du développement Beethovénien ralentit une dizaine de fois. Dans la partie instrumentale, les références sont soit davantage filtrées et noyées au sein d'une matière brute, ou à l'inverse, apparaissent comme des fulgurances de gestes destructeurs qu'affectionnent tant Beethoven...
Aurélien Dumont.