« Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. »
Michel de Montaigne.
Le titre de cette pièce a une double signification. Le barbarisme est une faute de vocabulaire, synonyme d’impropriété, ou toute forme de locution qui viole la règle. Mais les écrivains ont largement fait usage du barbarisme, par souci conscient et subversif de déroger justement à la règle… Par ailleurs, dans « barbarisme », il y a barbare ; ce mot désignait dans l’Antiquité tout ce qui n’était pas grec. Au Moyen-Âge, on entrait en guerre contre les « barbares » afin d’affirmer sa soi-disant suprématie. Plus généralement, on considère comme barbare ce qui n’a pas trait à notre propre culture, avec bien souvent une connotation péjorative.
Barbarismes, conçue comme une sorte d’imagerie médiévale, est divisée en trois grandes parties ; chacune d’entre elles est « consacrée » à un personnage charismatique du Moyen-Âge : « le Chevalier », « le Fou », « le Roi ». Il ne s’agit pas ici d’une musique à programme, mais certaines images, imprimées dans notre mémoire collective, sont devenues obsessionnelles et m’ont accompagné dans l’écriture de l’œuvre : « Il n’est ni chevalier ni baron qui de pitié ne pleure douloureusement. Ils pleurent leurs fils, leurs frères, leurs neveux et leurs amis et leurs seigneurs liges. Contre terre beaucoup s’évanouissent. » (La Chanson de Roland)
La pièce s’envisage alors comme une sorte de parcours, propre à chacun de ces personnages : le Chevalier, singulièrement violent, chocs de métal, étendues dévastées après les barbaries ; le Fou, après la nuit d’orage qui tente de faire entendre son chant à la Cour, sacrifié impuissant, métaphore de l’artiste ; le Roi enfin qui, au terme d’une vie de batailles, n’a d’autre recours qu’une profonde nostalgie.
Au final c’est bien de notre difficulté de vivre en cohérence avec le monde qu’il s’agit. Et face à la violence de notre temps, celle que je vis dans l’impuissance de l’action, cette musique constitue, à bien des égards, une réponse.
Pierre Jodlowski.