«... Rien ne se perd, rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que, dans tout opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications...».
Cette citation est tirée du « Traité élémentaire de chimie » d’Antoine Lavoisier et correspond à la description de la loi de la conservation de la masse, énoncée en 1777.
À présent on sait que cette loi reste approximative car certaines réactions chimiques ne s’ajustent pas tout à fait à l’idée d'une conservation intégrale. Cette idée d'approximation de la réalité a été le point de départ de l'idée de la pièce.
J’ai voulu me servir de cette loi et de l’illusion qu’elle propose d’un système de transformations et conservation parfaite comme une métaphore pour créer une forme faite à partir de transformations de « matériaux » musicaux.
Les composants rythmiques, harmoniques et timbriques sont réutilisés tout au long de l’oeuvre en suivant sans cesse des transformations. Un trio soliste est souvent « interrompu » par des interventions intempestives de l’ensemble, ce qui nous fait penser à une matière qui se décompose et se réorganise de manière récurrente. Ceci jusqu’à la partie centrale de la pièce d’où, à partir des sons inharmoniques et granulaires, on construit peu à peu un discours continu, en tutti. Vers la fin, on retrouve le trio solo, proposant une nouvelle organisation faite à partir des sonorités du début.
Cette idée cyclique cherche à donner l’impression d’une matière conservée après maintes transformations. Mais même ce cycle est interrompu afin de mettre en question ce qu'on a entendu jusqu'à présent. Ou simplement pour essayer de le comprendre d'une autre perspective.
Francisco Alvarado, programme de l'Examen public de fin d'études de composition 2015 du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.