Cette pièce fait partie du cycle « Chorus » qui puise son inspiration dans les musiques improvisées, et dans la liberté, l’énergie et la fragilité qui les caractérisent. Ici, il s’agit en quelque sorte de rendre hommage à l’une des figures les plus frappantes du jazz moderne, John Coltrane, et à son langage (principalement à partir de 1964), empreint d’un mysticisme et d’une liberté farouches. Étonnamment, les dernières œuvres du saxophoniste ont pu rejoindre, par distorsions progressives, la complexité des musiques écrites sans pour autant perdre de leur spontanéité et de leur pouvoir de suggestion...
C’est justement à ce stade où l’improvisation atteint ce degré de richesse que « À John » fait écho ; Coltrane y apparaît comme un fantôme, incarné parfois par des bribes de « chorus » endiablés, par le souffle et le cri, ou encore par la présence récurente d’une clarinette basse, sombre et vacillante.
Au début de l’œuvre, c’est justement la voix de John que nous entendons ; ce court extrait dans lequel Coltrane invite ses musiciens, Tyner, Garrison, Jones, à « l’improvisation directe » (qui consistait à proposer oralement une note, une idée ou une harmonie et « attaquer » directement le morceau, sans autre préalable) est l’empreinte même d’une complicité poussée jusqu’à la plus extrême des connivences. C’est précisément cette complicité que j’ai recherchée, celle du compositeur avec la matière qu’il façonne, celle de la musique avec son public...
Pierre Jodlowski.