Né à Frauenfeld en 1950, Ulrich Gasser commence ses études musicales au Conservatoire de Winterthur (branche principale : flûte traversière), puis suit les cours d’André Jaunet au Conservatoire de Zurich et, parallèlement, six semestres de composition chez Klaus Huber à l’Ecole nationale supérieure de musique de Fribourg-en-Brisgau.
Il participe à divers concours et séminaires (séminaires de composition de Boswil, semaines musicales Gaudeamus à Bilthoven, cours de vacances de Darmstadt) et reçoit plusieurs distinctions (2e prix au festival Ensemblia 1982 de Monchengladbach, 1er prix du concours de composition de l’Académie Bach de Stuttgart 1985, prix culturel de la Thurgovie 1991). Outre la composition (ses oeuvres sont exécutées aux festivals de Donaueschingen, Kassel, Sarrebruck, Venise ainsi qu’à plusieurs fêtes des Musiciens Suisses), il enseigne à l’Ecole normale de Kreuzlingen.
Des compositeurs suisses de sa génération, Ulrich Gasser est celui qui s’est intéressé le plus à la musique spirituelle. Sur les 120 oeuvres déjà composées, la moitié peut être qualifiée de musique spirituelle, bien que, chez Gasser, il soit impossible de trancher nettement entre le profane et le sacré. Le compositeur lui-même déclare que seul un tiers de sa production est de la musique de concert autonome.
Parmi les oeuvres spirituelles, plus des deux tiers tournent autour du noyau de la foi chrétienne, c’est-à-dire la Passion. Gasser ne s’intéresse donc pas à l’élément fabuleux de la Bible, à ses anecdotes parfois absurdes et aux énigmes de l’Apocalypse qui ont fasciné compositeurs et écrivains de ce siècle, même s’ils ne se disaient pas croyants. Il ne se préoccupe pas davantage de la contradiction entre le Dieu abstrait et impénétrable - juif -de l’Ancien Testament, et celui du Nouveau Testament - chrétien - qui est devenu homme. Sa vision se concentre essentiellement sur la naissance et la mort du Christ, et sur la relation de ces événements avec la naissance et la mort de chacun. De façon explicite, cette relation est le sujet dramatique et théologique principal de son oeuvre la plus ample, l’oratorio Der Vierte König, d’après la légende du même nom d’Edzard Schaper ; ailleurs, elle est intégrée de manière diffuse dans la structure musicale.
Dans l’oeuvre récente d’Ulrich Gasser, on constate même une insistance croissante sur ce thème de la naissance et de la mort ; dans ses dernières compositions, il sert d’arrière-plan métaphorique qui dicte chaque phrase, voire la forme de chaque note : chaque phrase naît, vit et disparaît ; elle constitue en elle-même un tout qui n’a plus besoin d’évolution, de transformation ou de complément.
Comme le compositeur inclut si étroitement la substance religieuse dans la structure musicale, on peut aller encore plus loin : puisque la substance musicale et religieuse est identique, Gasser pense qu’un quatuor à cordes ou un morceau d’orchestre autonome peuvent aussi être ressentis comme de la musique spirituelle, au sens emphatique. Une distinction nette entre sacré et profane ne serait donc pas judicieuse, dans son cas, et se méprendrait sur un aspect important de sa manière de composer, pour qui cette distinction reste purement superficielle.
Que Gasser écrive de la musique liturgique au sens étroit ou qu’il compose un quatuor à cordes comme les Christusdornen (épines du Christ), cela ne change rien à son procédé fondamental, qui consiste à chercher le religieux dans la musique et non à l’y introduire au moyen d’ingrédients non musicaux.