ChoeurFemmes de Thèbes, allez en foule offrir à Latone et à ses deux enfants, avec vos prières, l'encens pieux et vos cheveux enlacés de lauriers. Par ma bouche c'est Latone elle-même qui vous l'ordonne.
NiobéQuelle rage insensée vous pousse à révérer des dieux dont seul le nom vous est connu ? Pourquoi adorer Latone sur les autels, lorsque l'encens est refusé à ma divinité ? Moi dont le père a nom Tantale qui seul put s'asseoir à la table des dieux ; moi dont la mère est soeur des Pléiades ; moi dont l'aïeul est le grand Atlas qui porte sur son dos la voûte éthérée, et Jupiter l'autre aïeul, et de surcroît le beau père dont je me glorifie. Ma beauté est digne d'une déesse. Alors, osez me préférer Latone, engeance de je ne sais quel Titan nommé Céus, Latone a qui la vaste terre refusa le moindre asile, jadis, lorsqu'elle allait enfanter ! Elle mit au monde deux enfants ; ce n'est que le septième du fruit de mon propre sein. Je suis heureuse. Qui donc le nierait ? Et heureuse je resterai. Qui pourrait en douter ? L'abondance de mes biens garantit ma sécurité. Je suis trop grande pour que la Fortune puisse m'atteindr : et m'arracherait-elle une large part de mes faveurs, qu'elle m'en laisserait davantage encore...Cessez-là vos sacrifices et déposez les lauriers qui ornent vos cheveux !
Amphion (hommes)Pardonne, de grâce, ô Apollon, et toi, Diane, renonce à tes flèches ! Ces enfants sont innocents, c'est leur mère qu'il faut frapper !
Ismène (femmes)Hélas, c'en est fait de moi !
Ilionée (femmes)O dieux du ciel, soyez cléments ! Epargnez-moi !
NiobéRepais-toi, cruelle Latone, de notre douleur, repais-toi ; rassasie ton coeur de mon chagrin, rassasie ton coeur crue ! Je meurs de septs morts. Sois fière et triomphe, victorieuse ennemie !Mais où est donc ta victoire ? Dans mon malheur, je suis plus riche que toi, heureuse Latone ; après tant de pertes, la victoire est encore à moi.
Choeur (hommes)Saisies par la peur, les âmes tremblantes cherchent un refuge dans l'obscurité des bois. Premier à naître de la terre, Zethus de la main droite dompte par les cornes un taureau intrépide. Vient ensuite Amphion qui, la lyre dans la main gauche, attire les pierres par l'harmonie de sa musique.La fille de Tantale, fière et désormais sans crainte au milieu de ses enfants, lève sa tête et compte leurs ombres.
NiobéLaisse m'en une, la plus petite ! De tous mes enfants, c'est la plus petite que je demande, elle seule.Je fus reine de Thèbes, et ne suis maintenant qu'un rocher de Sypile. J'ai offensé les dieux, les enfants de Latone. Heureuse et fière de tous les miens, je les ai conduits à la mort, moi leur mèr !Mais les dieux n'étaient pas satisfaits... Prisonnière d'une roche dure, je perdis toute apparence humaine. Les forces vitales sont étouffées, et pourtant, la douleur persiste. Les larmes que je répands forment une pieuse fontaine. Ô malheur ! Est-il possible que les dieux s'irritent à ce point, que mon supplice dure encore ?Toute ressemblance avec ma mère a disparu...
ChoeurAthènes n'entend pas, dans les bois de Cecrops, gémir plus tristement son funeste oiseau de nuit. Il ne pleut pas moins de larmes du rocher de Sypile où Niobé, tourmentée pleure la mort de ses enfants !
NiobéO dieux, rendez-moi pareille à cette pierre qui baigne de ses pleurs le Sypile !