L’une des premières choses qui a titillé le compositeur Benjamin Dupé lorsqu’il a envisagé cette commande pour l’Open Source Guitars, c’est l’effectif de cet ensemble atypique : six guitares, c’est-à-dire six instruments identiques, qui ne sont de surcroît pas réellement complémentaires, ni en tessiture ni en timbre, et sont déjà chacun polyphoniques...
« On a presque l’impression que c’est six fois le même musicien, dit Benjamin Dupé, comme une image de dessin animé, dans lequel un personnage serait répliqué à l’envi. »
Cette vision amusée de l’OSG, sous la forme d’un guitariste et ses clones, se retrouve du reste dans la poétique que le compositeur développe à partir de cet ensemble de guitaristes, dont l’audace, l’esprit aventureux et la curiosité pour le théâtre l’ont séduit : « Dès les premiers laboratoires que nous avons menés ensemble à l’Ircam, les guitaristes étaient excités comme des enfants en découvrant tout ce qu’on pouvait faire avec le son qu’ils produisaient. J’ai voulu préserver cette fraîcheur de l’exploration jusque dans la performance, ce plaisir de jouer avec le son vivant et surprenant de l’électronique. » De fait, les transformations électroniques produisent une sorte d’inouï pour l’instrumentiste, susceptible de le replonger dans cette jouissance un peu primaire de la production sonore. Strings in the Air with Feet over the Floor (An Exhibition to Listen to) se présente donc comme un petit théâtre, une fenêtre ouverte sur une répétition de l’Open Source Guitars, où l’on découvre ses six guitaristes en train de « tester » l’électronique et de jouer avec elle – voire de se « déguiser » grâce à elle, chacun devenant comme un transformiste sonore : ce qui, au passage, nous ramène à l’idée du un et du multiple. Une pièce pour six guitaristes et électronique, en somme, qui met en scène ses six interprètes inventant leur musique au présent.