Donatienne Michel-Dansac, comment faites-vous pour travailler une œuvre dans une langue comme le persan ?

Je n’avais jamais chanté en persan, et je ne connaissais cette langue que par le biais du cinéma, par exemple. Florence Baschet m’a envoyé un enregistrement joliment lu par la traductrice, Baharé Khadjé-Nouri. J’ai découvert une fort belle langue, très douce et très agréable à chanter. J’ai donc écouté cet enregistrement, en lisant la partition et en prenant des notes en phonétique : accents toniques ou voyelle plus ou moins ouverte. J’avoue avoir des facilités pour cet exercice. J’ai ainsi pu, dans le passé, chanter en coréen, japonais, hongrois ou arabe. Avec la même technique.

Avez-vous lu le livre de Chahdortt Djavann dont s’est inspirée Florence Baschet ?

Non, de la même manière que je n’écoute généralement pas les compositeurs lorsqu’ils m’expliquent le pourquoi du comment de leur pièce, tout simplement parce que je fais entière confiance au compositeur et à sa partition. Je n’ai besoin que de ça pour interpréter ce qui est écrit – j’ai, pour cette raison, besoin de partitions extrêmement précises, même si elles peuvent, bien sûr, évoluer au cours du travail. Soit je chante, soit j’écoute, je ne peux pas faire les deux. Le résultat global ne me concerne donc que de loin. Quand je chante, je ne suis que le reflet sonore de l’écrit. Tout ce que je sais du livre me vient donc exclusivement de la partition de Florence. La partition est la source de toutes les informations : le physique, l’âge ou l’humeur d’un personnage, par exemple. Si un compositeur néglige, sciemment ou non, d’intégrer certains de ces aspects, ce n’est pas à moi de les ajouter. Sauf si on me le dit à l’oral, naturellement – alors l’indication devient un complément à la partition. Ce qui m’intéresse, c’est comment, techniquement, donner une voix à la pièce. C’est la musique qui me le dit.

Comment incarner une muette, lorsqu’on est chanteuse ?

En réalité, je n’incarne pas La Muette elle-même, mais celle qui raconte, la narratrice. Mais ce genre d’oxymore fait partie de ce que j’aime cultiver dans mon métier. Du reste, avant d’être chanteuse, je voulais être interprète et faire de la traduction simultanée. Je suis fascinée par cet entre-deux, cette interface entre deux personnes, entre deux langages. Et l’interprète, lui aussi, fait face à de nombreux oxymores. Par exemple, doit-il imiter le ton de la personne qu’il traduit ? Ou doit-il l’exprimer au travers de son choix de vocabulaire ? La chanteuse que je suis se trouve dans une situation similaire. Comment exécuter simplement ce qui est écrit ? Car quand j’affirme ne chanter que ce qui est écrit, je suis aussi consciente du fait qu’une autre que moi, même animée d’un égal souci de rigueur, ne le fera pas exactement pareil. Ainsi, la discipline presque rigide que je m’impose me donne-t-elle ma liberté.

©Ircam-Centre Pompidou

Vous constatez une erreur ?

IRCAM

1, place Igor-Stravinsky
75004 Paris
+33 1 44 78 48 43

heures d'ouverture

Du lundi au vendredi de 9h30 à 19h
Fermé le samedi et le dimanche

accès en transports

Hôtel de Ville, Rambuteau, Châtelet, Les Halles

Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique

Copyright © 2022 Ircam. All rights reserved.