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10 min

Diable écoute, de Clio Simon, se présente comme un somptueux monument élevé à la mémoire d’un monde tragiquement en voie de disparition. Sur un seul grand écran se succède quatre scènes hallucinantes de déréliction. 1. Une ballade dans un cimetière de bateau, murailles de ferrailles rouillées, écaillées, démantelées, labyrinthe d’épaves inlassablement parcouru. 2. Un rituel funèbre dans un cimetière, où l’on voit un jeune homme à genoux à côté d’une tombe envoyer des brassées de terre sur une sépulture. 3. Un groupe de personnages, deux hommes debout derrière une femme prostrée, imitant une Piéta, sur fond de bateau dressé, hors d’eau. 4. Dans une ambiance de port (grues, containers au loin), une statue d’homme, bras tendu vers le ciel, s’élève lentement. Voilà ce qui s’énonce, quant au contenu des scènes ; mais ce qui compte aussi, et plus encore, c’est l’extrême lenteur de ces gestuelles. Tout y est ralenti, comme dans une épure de Bill Viola (son Quintet of the Asthonished, en particulier), dont on sait que Clio Simon est une fervente admiratrice, comme son traitement du désert chilien en témoignait l’an dernier. Mais chez elle, rien de métaphysique. Le tragique est historique. Et la clé de son rébus, à l’évidence, est dans le titre : ce Diable auquel, la modernité désespérée adresse, depuis Baudelaire, ses prières. « Toi dont l’œil clair connaît les profonds arsenaux/Où dort enseveli le peuple des métaux/ Ô Satan, prends pitié de ma longue misère ! »
© Le Fresnoy - Studio National, 2015

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